L'objectif de Kiev est de transformer son différend gazier avec Moscou en conflit russo-européen, voire américain. En plus des effets de la crise économique, l'Europe est aussi inquiète pour son approvisionnement en gaz. Elle est inquiète depuis que Moscou a cessé, jeudi dernier, ses livraisons de gaz à l'Ukraine qui serait tentée de «pomper» sur le gazoduc russe qui traverse son territoire pour ravitailler l'Europe. Kiev a beau rassurer de ne pas toucher ce qui ne lui appartient pas, mais sans vraiment convaincre. Surtout que ce n'est pas la première fois que le cas a lieu. En 2006, l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe transitant par l'Ukraine avait déjà subi des perturbations pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui. Pour la Russie, l'Ukraine est un client mauvais payeur. Sa facture impayée s'élève à 2 milliards de dollars à fin 2008. A cela s'ajoutent les tergiversations de l'Ukraine qui veut opposer la hausse du prix du gaz voulue par Moscou à celle du tarif du transit gazier vers l'Union européenne. Un transit qui concerne le quart de l'approvisionnement européen en gaz. Ce qui n'est pas rien. Et si la Russie a fermé les vannes pour l'Ukraine, le 31 décembre dernier, c'est précisément à cause de la dette, mais aussi faute d'un accord pour les livraisons de 2009. Kiev assure disposer de réserves pour passer l'hiver et fait connaître son optimisme quant à arriver à un compromis avec Moscou dans les prochains jours. Bruxelles n'en reste pas moins sceptique et risque même de s'impliquer dans le différend qui oppose l'Ukraine à son fournisseur russe. Certains observateurs pensent que c'est le voeu inavoué de Kiev que celui d'entraîner les 27 dans cette affaire. Des observateurs qui connaissent les projets ukrainiens d'intégrer l'Union européenne et d'adhérer à l'Otan. Deux projets mal vus par la Russie et qui seraient en grande partie la cause principale mais non dite des exigences d'apparence commerciale du conflit gazier entre les deux pays. Quelles que soient les assurances des uns et des autres, il n'est pas exclu que le problème durera encore jusqu'au 20 janvier prochain date à laquelle Obama prendra ses fonctions de président des Etats-Unis. L'Ukraine et l'Union européenne sont sûres qu'elles seront rejointes par cet allié de poids pour infléchir la décision de Moscou. On comprend mieux l'accueil on ne peut plus froid de l'Europe face à l'Organisation des producteurs de gaz qui a vu le jour à Moscou, il y a quelques semaines. Une organisation dont la force pourrait neutraliser celle que pourrait constituer l'axe Bruxelles-Washington, s'il venait à se former autour de la question. L'Europe a raison d'avoir l'oeil rivé sur le robinet de gaz, car Kiev est capable de tout dans le conflit qui l'oppose au géant russe. Un géant qui ne lui pardonne pas ses positions dans la crise géorgienne, ni ses positions occidentales exprimées en 2004. Il faut voir dans les assurances ukrainiennes le règlement du problème intervenir dans les prochains jours, une manoeuvre pour gagner du temps et refiler le bébé au Vieux Continent. Comment? Les ministres des Affaires etrangères de l'UE doivent se réunir le 8 janvier prochain à Prague avec pour ordre du jour, justement, le dossier énergétique. L'objectif de Kiev est de transformer son différend gazier avec Moscou en conflit russo-européen voire américain. D'entraîner toute la planète s'il le faut dans un nouveau conflit. Assurément, l'année 2009 a tout pour être une année de tous les soucis.