Au lendemain, la France officielle ne retient de cette journée que les 200 casseurs interpellés. Paris sous pression. La rue gronde. La communauté, notamment, musulmane, deuxième religion de France, est en ébullition. Plus d'un millier de véhicules ont été incendiés en France au cours de la nuit du Nouvel An et 288 personnes ont été interpellées. Alors que le président français, Nicolas Sarkozy, se rendra aujourd'hui au Proche-Orient pour tenter de débloquer la situation, la rue parisienne condamne l'offensive israélienne. Samedi, 25.000 manifestants se sont rassemblées à place de la République. Tout un symbole. Le drapeau tricolore était remplacé par les couleurs palestiniennes. Une marche de protestation contre les bombardements à Ghaza et l'ingérence des militaires dans les territoires palestiniens. 25.000 citoyens issus de toutes les cultures et religions, jeunes ou âgés, femmes ou hommes, étaient au rendez-vous pour dénoncer, à l'unisson, les inégalités et l'injustice. «Israël, Terroriste», «Nous sommes tous des Palestiniens», «Paris à Ghaza, même combat», scandaient les manifestants. Différentes factions. Un même cortège, un même message. D'abord la classe politique de gauche était largement représentée à travers le PCF, les Verts ou encore le LCR. Olivier Besancenot et Marie-George Buffet en tête du cortège donnant ainsi une autre image de la politique française: celle qui n'accepte pas le massacre et ne s'aligne pas avec la politique actuelle du président Sarkozy. «Sarkozy complice», le slogan fait écho. «Je suis française, je n'ai aucun lien avec les pays arabes ou la Palestine, hormis l'affectif, et pourtant c'est mon devoir d'être humain qui m'amène ici. On ne peut pas dire que nous ne savons pas. Je ne comprends pas comment un président de la République, qui a une responsabilité envers notre nation, n'a même pas parlé du conflit lors de son discours de voeux. Je suis dégoûtée d'être représentée par cet homme qui, en fin de compte, cautionne et approuve par son silence. Encore pire il fait les yeux doux à la ministre israélienne quand elle vient en France. C'est une honte!», scande Françoise avant de poursuivre: «Finalement nous ne sommes pas tous des moutons et nous ne suivons pas la bonne pensée médiatique». Médiatique, le mot est lancé. De quelle pensée parle-t-elle? De ce silence qui semble faire contagion sur les chaînes hertziennes. Un reportage entre deux sujets économiques? Aucune édition spéciale, aucune émission dévouée à la cause. Quelques images pêle-mêle au zapping, un sujet côté israélien et les tirs de roquettes au journal de Laurence Ferrari, et le sujet est clos. Un étonnant silence radio, qui suit l'autisme de la classe politique. «J'ai la chaîne Al Jazeera chez moi et je vois des choses innommables, indicibles, les pires horreurs de l'espèce humaine. Je zappe sur une chaîne française et rien, comme si de rien n'était. Des fois je me demande si je suis sur la même planète!» poursuit Nora, une jeune manifestante de 25 ans, les larmes aux yeux, la rage au ventre. Non loin d'elle, une autre faction du cortège...absorbée par la foule et qui pourtant est un symbole de haute signification: les Juifs et les Arabes unis pour la justice. Jacques, membre actif de l'association «Une autre voix juive», porte la banderole et son discours dénote avec celle de la majorité de la communauté juive de France: «Je suis là en tant que juif et je suis contre ce qui se passe en Israël. Je n'approuve absolument pas la politique d'Israël. Je ne suis pas dans le politiquement correct et je m'en fiche: arrêtons le massacre du peuple palestinien, redonnons leur dignité, leurs droits fondamentaux. Israël s'appuie sur le traumatisme de la Shoah pour justifier sa violence envers la communauté internationale. Assez, il est temps de dire STOP!.». La nuit tombe mais pas les passions, le cortège continue aussi pacifiquement son chemin dans les rues de Paris vers l'ambassade d'Israël. Le froid hivernal n'abîme pas la détermination des manifestants, ralliés pour la paix. Alors qu'aucun débordement n'est à noter depuis trois heures de marche, des blocs de CRS et des forces le l'ordre bloquent le passage à la place St Augustin. Impossible d'aller plus loin, impossible d'aller protester devant l'ambassade d'Israël. Le blocus arbitraire chauffe la foule qui hue en signe de protestation. Des lancées de chaussures fusent, hommage au journaliste Muntazer Al-Zaidi. Et venu de nulle part devant une foule inoffensive: le premier jet de gaz lacrymogène! Stupéfaction, indignation...puis inévitablement la colère. Hier, au lendemain de cette manifestation de paix et de soutien, la France s'est réveillée avec la gueule de bois avec pour seul souvenir: 200 casseurs s'en sont pris aux forces de l'ordre. Des voitures ont brûlé, des jeunes ont été interpellés. Quelle tristesse, un aussi long chemin de temps fort, d'amitié, de réconciliation même entre les communautés, des keffiehs de toutes les couleurs qui défilaient sans haine...De tous ces symboles, les médias ne retiennent que la violence. Le chemin vers la vérité semble si tortueux, un simple échantillon de ce qui se passe sur les terres de nos frères...qui, aujourd'hui, affrontent l'offensive terrestre de l'armée israélienne.