C'est ce soir que se déroulera le tapis rouge à l'occasion de la clôture du festival prestigieux de Ouagadougou. L'aventure continue à la 21e édition du Festival du film et de la télévision de Ouagadougou qui se poursuit dans la ville burkinabée sous un soleil de plomb. Mercredi et jeudi, la compétition officielle dans la catégorie long métrage continuait à drainer son lot de films entre bons, moyens ou carrément mauvais. Parmi ceux-là, un film sénégalais inspiré de la tradition bollywoodienne, autrement teinté de mélodrame et de jeu de rôles complètement désuets. Les feux de Mansaré de Mansour Soura Wade, raconte l'histoire de Mathias qui retourne en triomphe à Mansaré, sa ville natale, après avoir fait fortune à l'étranger en quelques années. Il souhaite faire des affaires et épouser Nathalie, qui lui a été promise à la naissance, mais se heurte à la résistance de la jeune fille, amoureuse de Lamine, un musulman, ami d'enfance de Mathias, chrétien. Entre les deux hommes - mais aussi parallèlement entre les deux communautés religieuses - la tension monte. Lorsque Nathalie s'enfuira le jour de son mariage, Mathias se montrera résolu à mettre la ville à feu et à sang pour la retrouver, par orgueil plus que par amour. Le village s'embrase. Tout cela à cause d'un amour obsessionnel pour une femme. Dans le même genre, les jardins de Samira, le film marocain Samira Fi dayaa dévoile avec audace, ceci dit, parfois, la triste situation de la femme musulmane, confrontée au célibat. Trouver un époux est devenu la raison de vivre de Samira. Son père lui trouve finalement un mari, un exploitant agricole veuf et sans enfants. Samira découvre que son mari est impuissant et qu'il l'a épousée pour préserver les conventions sociales. Il se sert d'elle en fait comme une bonne à tout faire, à s'occuper de la maison de son père atteint de la maladie d'Alzheimer. Le manque d'affection et d'intérêt sexuel de son mari deviennent insupportables pour Samira qui jette alors son dévolu sur Farouk, le neveu de son mari. La réalisatrice ose certaines scènes liées à l'intimité de la femme, rarement évoquée dans le cinéma arabe. Même si la réalité est là, la réalisatrice pèche par un trop-plein de sentimentalisme aigu. La descente aux enfers de cette femme mal dans sa peau et esseulée est palpable. Mais le côté niais à la desesperate house wife, prime sur le reste. Un jeudi en couleurs Le lendemain, jeudi, place à des films de meilleure qualité! Nothing but the Truth de John Kani en fait partie. Brimades, humiliations, tragédies. Tel se présentait le lot de Sipho malgré 43 ans de bons et loyaux services comme bibliothécaire sous l'apartheid. Avec la nouvelle Afrique du Sud, il espère être promu bibliothécaire en chef. Dans le même temps la commission Vérité et réconciliation n'arrivent toujours pas à révéler à sa fille Thando, l'auteur du meurtre du fils de Sipho. Sa seule et inconnue nièce Mandisa, elle, arrive de Londres avec les cendres de son père, considéré comme un héros par sa fille. Son frère en pense différemment. Ses idéaux de révolutionnaire sont confrontés à la réalité de son frère, un bon militant mais répugnant personnage...Adapté de la pièce à succès du même titre, Nothing but the truth raconte la vie après l'apartheid en Afrique du Sud, et les conflits opposant les Noirs étant restés en Afrique du Sud pour combattre l'apartheid à ceux qui avaient fui le régime et reviennent au pays lors de l'élection de Nelson Mandela. Emotion et pertinence Plusieurs fois distingué comme comédien, John Kani n'en est pas moins méritant comme metteur en scène, scénariste et réalisateur. Ce film est poignant par son émotion et la pertinence de ses dialogues, ne juge pas mais défend des points de vue. Un film qui nous rappellera aussi nos familles à la recherche de leurs enfants disparus suite à la tragédie nationale alors que d'autres hommes «bourreaux» se voient sortir impunis sous le sceau de la politique de la réconciliation. Sipho dans un moment de colère extrême dicté par sa quête absolue de la vérité, déclare qu'il va brûler la bibliothèque mais qu'il sera de toute façon amnistié...Le film qui suivra est Le Fauteuil du Burkinabé Missa Hébié, un réalisateur de série télé. D'ailleurs, ce film reste fidèle au genre, à l'instar de Imarat Hadj Lakhdar qui, par la magie du cinéma s'est vu rallonger en long métrage sous le nom pompeux de Lakhdar et la bureaucratie. Le fauteuil comme son nom l'indique décrit la course vers le pouvoir et les manigances et les sales coups pour y arriver. Il s'agit surtout de sexisme envers la femme patronne qui se voit encore avilie de par son statut d'épouse qui se doit une claire «obéissance» à son mari...Un film montré en présence du Premier ministre du Burkina Faso, devant une assistance massive. Le Fauteuil suscitera, en effet, la ruée vers la salle de cinéma «Burkina». Un public qui n'hésitera pas à réagir à chaque séquence plus ou moins cocasse du film, comme s'il regardait finalement un sitcom. Dans un registre complètement différent citons L'absence du déroutant Mama Keïta, Vietnamien par sa mère et Guinéen par son père, né à Dakar et se trouvant actuellement à Ouagadougou pour tenter de décrocher le trophée de l'Etalon d'Or. Après, il s'envolera à New York pour réaliser un court métrage sur le thème de l'Afrique pour le compte du Panaf 2009, en Algérie. L'Absence est un portrait d'un jeune et brillant universitaire qui revient, 17 ans après, dans son pays. Adama Diop revient de Paris où il a étudié pour rendre visite à sa grand-mère prétendue malade et son unique soeur sourde et muette qui n'avait de cesse de lui écrire des lettres qui restaient sans réponse. Il a reçu une lettre alarmante qui l'a obligé à revenir, mais il veut repartir en France...Cette absence va laisser des séquelles. Sans aucun soutien, sa petite soeur Aïcha est tombée dans la prostitution. En l'espace de 48 heures, Adama ne réussira pas à la sortir du pétrin. Trop tard, elle sera assassinée par son mec, alias Mous Diouf. Le sujet principal traité est surtout l'exil, plutôt la désertion selon les propres termes du réalisateur. Le film est truffé de scènes de violence. Drogue, sexe et mensonge sont les trois éléments essentiels du film de Mama Keïta. Eblouissant. Provoquant. Autre film encore plus fort est Teiza de Hailé Gérima, pressenti comme favori au Fespaco. Anberber rentre en Ethiopie après de longues années d'absence. La situation n'a pas vraiment changé et le pays est passé d'une dictature à une autre, ce qui le pousse à remettre en question ses idéaux. C'est l'occasion pour revenir en arrière à travers les étapes qui ont forgé son intellectualisme socialiste: ses études de médecine en Allemagne et son premier retour où il devra confronter ses utopies avec la violence de la dictature marxistes. Lui qui rêvait de soigner ses compatriotes pour les sauver des maladies faisant des ravages en Ethiopie, trouvera une meilleure voie pour recommencer à vivre dans ce pays qu'il ne parvient pas à aider. Le réalisateur aborde le problème de la mémoire avec sérénité en laissant parler la terre. Les images sont très belles. Le film qui est un beau témoignage tant historique qu'esthétique a reçu plusieurs récompenses. Pas si étonnant qu'il remporte un autre à Ouagadougou.