Le Premier ministre préfère que l'action de l'Etat soit dirigée vers le soutien de secteurs précis. C'est en février 2007 que le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, Hamid Temmar, avait exposé au patronat et à l'Ugta un document portant sur la stratégie industrielle. Mais deux ans après, il est clair que ce n'est plus une priorité pour le gouvernement. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'est pas du tout d'accord avec cette démarche et il le fait savoir. Pour l'instant, il évoque des problèmes de procédure puisqu'il révèle que le document détaillant cette stratégie n'a jamais été approuvé par le Conseil des ministres. Il assimile même le projet de stratégie à une opération de communication. Sans plus. En effet, le processus de privatisation annoncé par Hamid Temmar n'a pas fait l'unanimité. Ce fut même un échec. En effet, seules 500 entreprises sont privatisées alors que l'objectif initial était de parvenir à 1200 entreprises. Et dire que plus de 40 milliards de dollars ont été consacrés à l'assainissement des entreprises publiques. Ce qui avait contraint le président de la République, en date du 26 juillet 2008, à insister sur l'urgence de revoir toute l'orientation de la politique économique et sociale. D'autant que la privatisation ne devait pas être une finalité idéologique mais un moyen de retour à la croissance et à la création d'emplois utiles. En outre, le faible flux des investissements étrangers et du privé national dans des segments à forte valeur ajoutée est essentiellement imputable non pas à l'aspect sécuritaire qui s'est nettement amélioré, mais au système bureaucratique sclérosant et étouffant les énergies créatrices, soulignent les spécialistes. En lieu et place de cette stratégie, la préférence de Ouyahia va à l'application des mesures prises par le chef de l'Etat. Pourtant, dans l'énumération des secteurs à promouvoir, certains comme ceux de la mécanique et du médicament figurent déjà dans le document. Ouyahia veut aussi accorder un intérêt particulier au bâtiment et aux travaux publics ainsi qu'au transport ferroviaire. Comme on le constate, même si Ouyahia récuse le terme de stratégie, il n'est pas loin d'appliquer des démarches visant à sauver certains domaines d'activité. Il estime que ce travail se poursuit normalement depuis son installation à la tête du gouvernement et que la feuille de route tracée par le président de la République suffit amplement pour encadrer son action, sans se référer à un quelconque autre document conçu par un échelon inférieur de la hiérarchie. La révision de la Constitution instaurant le poste de Premier ministre le conforte dans cette position. Il l'avait d'ailleurs lui-même indiqué lors de la conférence de presse ayant suivi l'adoption de l'amendement de la Constitution, en affichant clairement sa préférence pour que le titulaire de ce poste dépende directement du chef de l'état. La cohérence du discours de Ouyahia ne souffre aucune ambiguïté à ce niveau. Cependant, la déclaration du Premier ministre ne laisse pas présager un rejet de l'adoption du projet du dossier «Stratégie industrielle». Bien au contraire. En effet, dans un contexte de crise mondiale, la vision à long terme est plus que jamais nécessaire pour que les décisions de gestion de l'économie ne soient pas prises au gré de l'évolution d'indices qui échappent à l'emprise de l'Etat. Mais plus qu'à un retour de l'Etat dans la sphère économique, c'est plutôt à l'accusation de retour à l'étatisme que Ouyahia veut échapper. C'est un exercice très difficile, mais la tendance mondiale d'intervention des gouvernements dans la sphère économique conforte Ouyahia dans ses positions, lui qui veut à la fois encourager l'investissement privé sans se départir des entreprises publiques. Alors, même s'il n'y a pas de document formel officialisant une stratégie industrielle, le gouvernement n'est pas dispensé pour autant d'opérer des choix stratégiques. Le reste n'est que rhétorique et communication.