Avant son ouverture, la conférence internationale de l'ONU sur le racisme, Durban II, est vidée de sa substance par le boycott de pays occidentaux. Une cascade de désistements a été observée, hier, à vingt-quatre heures des débuts des travaux de la deuxième Conférence internationale sur le racisme, l'intolérance et la xénophobie. Ainsi, dans un communiqué du département d'Etat américain, diffusé samedi soir, il est indiqué que les Etats-Unis «ne participeront pas» à la Conférence de l'ONU sur le racisme, qui débutera aujourd'hui à Genève, parce que la déclaration finale contient des passages qu'ils «ne peuvent pas accepter» sans préciser de quels passages il s'agit, d'autant plus qu'un accord semblait avoir été trouvé vendredi entre les représentants des communautés occidentales et musulmanes. De leur côté, les Pays Bas dans un communiqué du ministre des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, annoncent leur non-participation à «Durban II» selon lequel il y aurait le risque que le thème des «droits de l'Homme ne soit éclipsé par des considérations religieuses». Les Pays-Bas estiment ainsi «inacceptable» le projet de déclaration finale, qui risque, selon eux, de «détourner la conférence de ses buts» indique M.Verhagen, dans un communiqué. Plus explicite, le chef de la diplomatie australienne, Stephen Smith, indique pour sa part, dans un communiqué publié hier, que «malheureusement, nous ne pouvons pas obtenir l'assurance que la conférence ne sera pas utilisée une nouvelle fois comme un forum pour exprimer des opinions injurieuses, antisémites notamment». Ainsi, trois pays annoncent leur non-participation anticipant sur ce qui sera dit lors de la conférence de l'ONU sur le racisme. Jusqu'à hier en début d'après-midi, Paris et Berlin n'ont toujours pas décidé de l'attitude à prendre quant à leur présence ou non à Genève pour les travaux de la réunion placée sous l'égide de l'ONU, rappelle-t-on. Heureusement, plus pondérée, sans doute plus pragmatique, la Grande-Bretagne prenant à contre-pied la position en flèche de ses pairs occidentaux, annonce qu'elle sera bien présente aujourd'hui à Genève. «Nous avons des lignes rouges qui, selon nous, ont été respectées au point où nous en sommes, nous avions dit à plusieurs occasions que nous voulions que la conférence débouche sur une volonté collective de combattre le racisme maintenant», a déclaré le porte-parole du Foreign Office à Londres. «Nous regardons comment les choses se développent» mais «notre intention est toujours d'y participer», a-t-il ajouté. En décidant uniment de boycotter «Durban II» les Etats-Unis, certains pays européens et l'Australie tout en se mettant en marge font eux-mêmes montre d'intolérance et prennent sur eux de perturber cette conférence avec le risque de rendre sans objet une réunion qui s'annonce pourtant importante, ne serait-ce que dans l'optique de rapprocher les points de vue des uns et des autres. Or, il semble que certains pays d'Occident viennent avec des a priori et un sens aiguë de la dramatisation, voulant imposer leurs seules visions et définition du racisme et de l'intolérance comme normes universelles, à prendre ou à laisser. Nous ne sommes certes plus dans une période ou un quarteron de pays, quelle que soit son aura ou sa puissance, puisse imposer au reste du monde sa façon unique de voir les rapports entre les hommes, les cultures et les civilisations. Le monde aujourd'hui, comme hier, ce n'est pas seulement la pensée judéo-chrétienne, ce sont aussi les raisonnements musulman, hindou, bouddhiste parmi les plus représentatifs de la civilisation humaine. Aussi, c'est par le dialogue et les échanges de points de vue que les visions des uns et des autres peuvent se rapprocher pour trouver une définition consensuelle au racisme afin de lutter efficacement contre ses effets et ceux de l'intolérance. Mais encore faut-il donc définir ces concepts et de leur trouver un juste équilibre entre les compréhensions que s'en font les uns et les autres. Si l'antisémitisme est inacceptable en tant que tel, il est tout aussi inacceptable d'assimiler toute critique de l'action politique et militaire d'Israël, dans les territoires palestiniens, à de l'antisémitisme. Ce qui est dangereux pour la paix et la sécurité dans le Proche-Orient, lorsqu'un Etat - qui, par ailleurs, s'oppose à l'érection d'un Etat palestinien - soit ainsi placé au-dessus des lois internationales communes qui s'appliquent à tous les autres pays dans le monde. Et c'est cet Etat, Israël, qui dénonce la réception d'un chef d'Etat d'un pays souverain, par le président d'un autre pays souverain. Un première dans le monde puisque Israël a dénoncé hier la réception, prévue hier soir, du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, par son homologue de la Confédération suisse, Hans-Rudolf Merz. Dans une déclaration à la radio publique israélienne, l'ambassadeur d'Israël auprès de l'ONU à Genève, Aharon Lechnoyaar, a affirmé: «Nous allons tenter de convaincre le président suisse de ne pas rencontrer Ahmedinejad, l'invité le plus marquant de cette conférence, qui va prononcer un discours le jour de la Shoah et de l'anniversaire d'Hitler». Ainsi, Israël s'arroge le droit de décider qui puisse rencontrer qui et prétend influer sur la conduite des Etats dans le choix de leur interlocuteur, surtout à un moment où l'Etat hébreu prépare le plus officiellement du monde une éventuelle attaque contre les installations nucléaires de l'Iran. Ce qu'il fit déjà en 1981 contre la centrale Osirak, à Thamuz (près de Baghdad) en Irak. Tout compte fait c'est ce petit «dominateur et sûr de lui», dixit le général De Gaulle, qui crée la zizanie et la xénophobie tout en voulant imposer au monde entier un diktat que l'on n'est pas loin d'assimiler à l'intolérance de l'autre. C'est-à-dire à du racisme tel que défini par l'Occident.