Comment organiser l'urgence d'une prise de conscience nationale face aux nécessités pressantes d'économie de marché? L'économie mondiale hante toutes les sociétés avancées d'aujourd'hui. Il est devenu de plus en plus impératif, particulièrement pour un pays en développement, de revoir son «état économique». Cela, non pas seulement à travers sa société - et disons-le, non pas seulement à travers son savoir, son savoir-faire, sa capacité de produire et de vendre - mais également à travers sa volonté politique s'appuyant sur «une démocratie réelle» toute en pleine confrontation raisonnée de ce qui devrait caractériser justement sa digne existence parmi les sociétés évoluées, et dites modernes. Alors face aux multiples pressions externes de modernisation que subit la société algérienne, et dans lesquelles elle voit malgré tout des bienfaits matériels, et face aux contradictions internes d'ordre social, économique, culturel, idéologique, qui l'assaillent, comment notre société pourrait-elle engager une amorce d'évolution dans le sens de ses aspirations? Il a semblé indispensable à nos chercheurs de recourir à la réflexion la plus profonde, la plus autorisée et surtout la mieux adaptée aux ambitions légitimes de notre société. Cette tentative de bon aloi, car très compétente et très sincère, et je dirais bénévole, nous est présentée dans un ouvrage collectif intitulé Mondialisation et modernisation des entreprises, enjeux et trajectoires(*), sous la direction de Mohamed Yacine Ferfera, professeur d'économie, directeur du CREAD, de Mohamed Benguerna, sociologue, enseignant/chercheur au CREAD et de Mohamed-Arezki Isli, consultant. Cet ouvrage d'excellente facture, aussi bien dans la forme que dans le contenu, et auquel ont participé près d'une trentaine d'auteurs (des chercheurs et des chefs d'entreprises publiques et privées) d'Algérie, de Tunisie, du Canada et de France, «est la résultante, prévient le préambule, d'un colloque international tenu à Ghardaïa les 25, 26 et 27 janvier 2000.» «Le choix du thème, prévient encore le préambule, a été pour ainsi dire imposé par la conjoncture tant internationale que nationale [et] a permis d'offrir l'occasion de lancer une réflexion sur le rapport synchronique entre le concept de mondialisation et celui de modernisation des entités économiques». L'ensemble des questions posées par la mondialisation - et à l'évidence celle-ci intéresse directement notre pays et, par là, elle interpelle tous nos secteurs de production - incite à réfléchir en toute conscience sur l'état des lieux de nos entreprises, sur l'état actuel des compétences des acteurs (ou si l'on veut des gestionnaires) et sur les besoins de restructuration (en équipement matériel et en formation des personnels). Les contributions publiées dans l'ouvrage cité font le tour de la question avec une rigueur toute scientifique et exprimée en clair, permettant ainsi une lecture aisée de la problématique, pourtant pas simple, de la nécessaire implication des entreprises algériennes dans l'évolution de l'économie mondiale - au sens large, du reste - et pour autant que la définition qu'en donne le Fonds monétaire international, puisse la circonscrire, c'est-à-dire comme «l'interdépendance économique croissante de l'ensemble des pays du monde, provoquée par l'augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontalières de biens et de services, ainsi que des flux internationaux de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technologie». Aussi, dans Mondialisation et modernisation des entreprises, les auteurs ont-ils essayé, à partir d'exemples concrets observés chez nous et ailleurs, d'apporter quelques réponses de principe à des interrogations, voire de suggérer une certaine stratégie financière et une certaine méthodologie de développement tous azimuts, capables, à la fois, de laisser imaginer des voies possibles pour une évolution qualitative et quantitative de nos entreprises et d'en maîtriser toutes les phases. A cet effet, l'ouvrage réunit en trois parties complémentaires (qui invitent, en même temps, au débat) la réflexion générale sur ce qui existe (Systèmes et acteurs), sur les formes du changement (L'entreprise algérienne à l'épreuve de la mondialisation) et sur les chances de réussite par l'exemple (Expériences d'ailleurs). Terminons sur une note qui dit bien ce qu'elle veut dire. Elle devrait secouer plus d'un d'entre nous. Elle est de Pierre Sarazin, gérant de Delta Ingénierie, Alger. Cette note, la voici, directe, franche, un vrai propos lancé par un ami passionné: «L'ensemble des Occidentaux comme moi-même, est surpris par le manque de réactivité, de pugnacité commerciale, d'esprit de synthèse des Algériens, et ce, jusque parfois à un haut niveau de responsabilité. La compétence est là, la connaissance est là, l'intelligence est très présente, souvent brillante, et devant moi à l'instant ! Mais l'efficacité ne semble pas être souvent au rendez-vous.» Dont acte. N'est-ce pas?