Tout au long du parcours, la foule reprenait les slogans du mouvement citoyen. De Yakouren à Tadmaït et d'Azeffoun à Draâ El-Mizan, la Kabylie a marqué le 4e anniversaire de la disparition du chantre de l'amazighité, en respectant la pause de l'honneur. La Kabylie paralysée par une grève générale à l'appel de la Fondation Matoub-Lounès, s'est remémorée le héraut de la revendication identitaire. Dans Tizi Ouzou ayant baissé rideau, et où même les services publics affichent «fermé», la rue étant occupée par les seuls vendeurs de cigarettes et de journaux, l'atmosphère était, il faut le souligner, quelque peu détendue. La police s'étant faite très discrète. Les colonnes de marcheurs rejoignaient le point de ralliement : le stade du 1er-Novembre. Vers 10h, la foule s'ébranle en direction de la cour de Tizi Ouzou. Une foule bariolée, où le jaune de la JSK se mêlait au noir du deuil. Jeunes et moins jeunes, et hommes, tout le monde affichait une détermination. Nna Aldjia, la respectable mère de Lounès, du haut de ses 73 printemps, n'hésitait pas à donner l'exemple de l'endurance. Dans la foule gentiment confuse, on remarque aux côtés des membres de la fondation, le chanteur Boudjemaâ Agraw, les du collectif féminin du printemps noir, les délégués du mouvement citoyen de Béjaïa, de Bouira ou de Tizi Ouzou et des membres de la fédération FFS de Tizi Ouzou, dont le premier secrétaire, M.Nasser Abib. Tout au long du parcours, la foule reprenait outre les slogans du mouvement citoyen «Ulac smah ulac, pouvoir assassin», ceux propres à la fondation: «Assa azekka Lounès yella ! yella!», ou encore: «...l'enquête tella! tella». Arrivée devant le CHU Nedir, la foule marque un arrêt pour observer une minute de silence. La mère de Lounès, Nna Aldjia improvise une petite intervention sur la nécessaire solidarité. La foule électrisée reprend en choeur. «Assa azekka Lounès yella! yella!». Après la rue Lamali, la marche débouche sur l'avenue principale: Abane-Ramdane, mêmes slogans, même détermination, la foule avance lentement, et marque un autre arrêt au rond-point du centre-ville. De là au Théâtre Kateb-Yacine, ancien siège de la Cadc, actuellement occupé par une section de CNS, il n'y a qu'un pas. Des jeunes commencent à lapider les camions de police, ramenés le jour même et stationnés devant le théâtre, alors que depuis le scrutin, les camions avaient disparues, ce qui est considéré par les jeunes comme une «provocation». Les policiers ne répondent pas, la marche continue, mais des jeunes restés à l'arrière, voulaient en découdre. Nna Aldjia, à bord d'un véhicule, essaie de ramener le calme, elle arrive à entraîner quelque-uns vers la cour...Devant l'édifice, les marcheurs se regroupent, des slogans fusent, Nna Aldjia prend la parole pour exiger la vérité sur l'assassinat de Lounès. Peu après la foule se disperse dans le calme. Au niveau du Théâtre Kateb-Yacine, une autre «pièce» se joue. Face-à-face, jeunes émeutiers et CNS s'échangent vigoureusement des pierres. Les cocktails Molotov font leur apparition, tirs denses et souvent précis. Un camion des CNS est touché, les policiers éteignent le début d'un incendie et mettent à l'abri, les camions. Pressés par les émeutiers qui allaient prendre le dessus, les policiers font usage des grenades lacrymogènes. Les tirs se font de plus en plus nombreux. Trois jeunes sont atteints par les grenades lacrymogènes: un à la tête, le second au côté et le dernier au dos. Les jeunes refusent d'aller à l'hôpital, ils disent avoir peur d'être arrêtés. A propos d'arrestations, plusieurs jeunes ont été interpellés. Un moment, on pensait que le temps des émeutes était revenu. Heureusement, que vers 13h, le calme est revenu. Les jeunes, apparemment fatigués, se retirent... Des responsables de la fondation, dont M.Raddif Larabi, entourés de deux autres organisent un point de presse. La fondation se dit très satisfaite de l'action d'aujourd'hui. Et qualifie la marche comme «l'une des meilleurs, car ayant gardé son atmosphère populaire?» A propos du nombre de marcheurs, M.Larabi dira: «Ce qui compte, c'est finalement la conviction des marcheurs». Comme il explique que «la fondation a intégré la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur et la libération des détenus du mouvement citoyen dans ses mots d'ordre. Il y en a que ces mots d'ordre n'arrangeaient pas, ils ont quitté la marche!». Larabi fait état de «plusieurs bus et autres véhicules refoulés et donc n'ayant pas pu arriver à Tizi Ouzou». La fondation évoque, de même, «les incitations du wali et du chef de sûreté de wilaya pour que la fondation dépose une demande d'autorisation de la marche, ce qui n'a pas été fait! «Aussi, précise Larabi, on a appris, ce matin (hier ndlr) que la marche est tolérée!». Il évoque, également, les diverses actions visant à «troubler» l'action du jour. Enfin, Larabi distribue un document récapitulant l'itinéraire de l'affaire: «Matoub Lounès! Un document instructif à plus d'un titre». Et d'ajouter: «La fondation mène une sorte d'enquête parallèle elle sera longue et difficile, mais nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout!».