Quasiment sommé de partir par le président des Etats-Unis, Abou Amar prend date. Des élections présidentielles et législatives palestiniennes sont prévues entre le 10 et le 20 janvier prochain. C'est ce qu'a annoncé, hier, le ministre palestinien des Collectivités locales, Saeb Erakat, et en même temps principal négociateur dans les désormais défunts pourparlers de paix avec les Israéliens. Il a aussi confirmé qu'un scrutin communal allait avoir lieu en mars de la même année, une première dans les territoires depuis la mise sur pied de l'Autorité palestinienne en 1994, mais il a tenu cependant à préciser que ces réformes répondaient «aux besoins des Palestiniens», et non, comme cela pourrait être interprété, au tout récent discours du président américain George W.Bush. Celui-ci avait, rappelle-t-on, conditionné une hypothétique création d'un Etat palestinien, à la mise en oeuvre de réformes dans les rouages de l'Autorité palestinienne, et surtout au départ de Yasser Arafat de la direction de cette dernière, car selon les Américains et leurs protégés israéliens, il soutient ce qu'ils appellent le «terrorisme». Ce discours de Bush continue d'ailleurs de susciter des réactions partout dans le monde. Et l'une des plus significatives est venue du premier concerné par le discours du chef de l'Exécutif américain, Arafat, qui a martelé que s'il devait partir «ce sera décidé par mon peuple et par personne d'autre», une manière de prendre au mot Washington et de lui faire signifier que le peuple palestinien n'est pas de celui qui accepte des gouvernements imposés de l'extérieur. En d'autres termes, selon nombre d'observateurs et d'analystes au fait des affaires palestiniennes, M.Arafat, qui n'a actuellement aucun rival d'envergure dans les rangs palestiniens, mise sur la tenue de ces élections et parie sur sa propre réélection pour prendre l'Administration américaine à son propre piège. Certes, le discours du chef de la Maison-Blanche a été salué comme «équilibré» par la Jordanie et l'Egypte, les deux alliés traditionnels de Washington dans la région, et les deux seuls pays arabes à avoir signé des traités de paix avec Israël, sans s'attarder sur l'appel américain exigeant la mise à l'écart d'Arafat. Néanmoins, plusieurs milieux arabes officiels, ayant requis l'anonymat, n'ont pas manqué de s'interroger, cependant, sur les tenants et les aboutissants de ce discours de Bush, particulièrement lorsqu'il évoque la proposition d'un Etat palestinien «provisoire »,même avec la mise hors circuit du chef séculaire de l'OLP. Pour eux, il s'agit de savoir désormais qui dirige le monde, le Président Bush, chef de la première et seule puissance économique et militaire du monde, ou Ariel Sharon, Premier ministre du minuscule Etat d'Israël? D'ailleurs, pendant que les capitales arabes continuaient à évaluer et à spéculer sur les intentions américaines au Proche-Orient l'armée israélienne poursuivait sa réoccupation durable de tous les secteurs autonomes en Cisjordanie. Il est vrai, comme l'a relevé la presse israélienne elle-même que, depuis qu'il est aux affaires, le président Bush n'a pas cessé de faire des cadeaux à Tel-Aviv, et que par son récent discours, il est devenu «un nouveau membre du Likoud» - comme l'estimait, fort justement, un membre du cabinet Sharon, réagissant au «plan Bush» - parti de Sharon, qui souligne qu'il faudrait lui «accorder la médaille du sionisme».Quant à la presse américaine, ses réserves sur ce discours ont été à la fois ironique et moralisatrice pour le président américain. Le Los Angeles Times n'a pas ainsi hésité à écrire que «les Etats-Unis doivent être très prudents quand ils déclarent qui est ou n'est pas un bon dirigeant pour d'autres pays ou d'autres peuples», et de poser les très pertinentes questions: «Que se passera-t-il si le successeur d'Arafat est plus militant? Est-ce que Bush refusera de traiter avec elle ou lui? Selon quel critère les Etats-Unis détermineront-ils qui est un représentant acceptable des Palestiniens?» Et si seulement ces interrogations venaient des officiels arabes lors de leurs discussions avec leurs vis-à-vis américains quand ils abordent la question palestinienne.