Drew Sulivan, est un journaliste américain qui a exercé comme correspondant d'investigation pour le journal The Tennessean à Nashville (USA) et comme rédacteur en chef puis directeur de bureau à New York de l'agence AP. Il a été également membre du conseil d'administration des Correspondants d'investigation et rédacteur en chef de l'Institut national pour les reportages on line. M.Drew a aussi servi comme spécialiste du développement de mass-média basé à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Il est le fondateur du Groupe de développement de journalisme LLC. Il a conçu et dirigé le Centre pour les reportages d'investigation en Bosnie-Herzégovine. Il a également fondé le Programme de reportage sur la corruption et le crime. L'Expression: Etes-vous d'accord avec ceux qui soutiennent qu'on approche vers la fin des journaux imprimés? Drew Sulivan: Je crois que le journal imprimé ne disparaîtra jamais complètement mais cela deviendra seulement une option qui menacera plutôt les grands à fort tirage. En réalité, le Web s'est imposé comme un instrument de livraison bon marché et plus rapide. Quand des moyens vous permettent de lire un journal sur un simple écran, le journal imprimé disparaîtra. Cela étant, cela ne signifie pas que les compagnies de presse disparaîtront. Au lieu de cela, elles changeront. Déjà, la compagnie traditionnelle de presse est devenue une compagnie de TV sur Web. Je crois qu'il y aura peu de journaux. Ceux qui résisteront à la vague du Web seront les journaux locaux. Vous êtes donc optimiste pour l'avenir du journalisme? Je suis optimiste parce que nous avons toujours besoin des journalistes et du journalisme. L'industrie du journalisme vit une période particulière, elle se doit de changer. Elle doit adopter l'Internet au lieu d'en être effrayée comme cela a été le cas depuis ces dernières années. Mais les responsables des médias avisés trouveront certainement une façon de s'adapter et de travailler. C'est ce qui arrive déjà. Je vois de plus en plus de nouvelles organisations trouver des solutions créatrices en offrant des nouvelles manières de communiquer. Finalement, la démocratie a besoin de bons journalistes expliquant comment les choses fonctionnent. Quand les gens se rendent compte que ce genre d'informations manquent et qu'ils sont dupés par le gouvernement et les entreprises cherchant à les induire en erreur, ils revendiqueront le journalisme de qualité et les bons journalsites. Quel sera le rôle des journaux on line dans les pays où Internet n'est pas très développé? Dans beaucoup de pays en développement, les journaux sont encouragés par les citoyens qui expriment le besoin de s'informer. Mais dans les cinq ou au plus les dix prochaines années, ce qui arrive en Amérique arrivera en Algérie, Tajikistan et Bosnie. Vous êtes spécialisés dans le journalisme d'investigation. À votre avis est-il possible de lutter contre la corruption avec ce type de journalisme dans les pays sans grande tradition journalistique? C'est difficile. Il y a beaucoup de pays sans une tradition de journalisme mais ils partagent tous les même traits. On fait croire souvent, dans beaucoup de pays en développement, que les citoyens n'ont pas besoin d'être informés comme c'est le cas dans les autres pays qui ont des traditions démocratiques. Il y a des formes traditionnelles de gouvernance (les chefs de tribu, les gouvernements autocratiques...) et les informations qui contredisent ces formes de gouvernance ne provoquent, selon eux, que des troubles sociaux. Or, les citoyens de n'importe quel pays ont le droit de décider de la manière dont ils doivent être gouvernés. S'ils choisissent une forme de démocratie, ils auront besoin d'information pour prendre des décisions réfléchies. Le journalisme se porte relativement dans les endroits où les citoyens contrôlent leur propre gouvernement. Dans les pays où ils ne le font pas, le journalisme devient alors un problème pour décideurs qui vont chercher à le contrôler ou le limiter. C'est pour pourquoi la liberté d'expression est contrôlée dans beaucoup de pays. Finalement, si les gens veulent contrôler leur propre pays, ils auront nécessairement besoin de reportages d'investigation. Que savez-vous sur la presse en Algérie? Pas beaucoup de choses. Je sais que le gouvernement a permis une presse relativement libre et qui est maintenant dans une situation difficile du fait de devoir vivre avec les mass-média qu'ils ont encouragés. Pas tous les mass-média sont bons et pas tous les mass-média ont de bonnes intentions. Vous devez être patients et encourager les normes professionnelles. Mais dès que vous permettez la liberté de presse, vous acceptez le mauvais avec le bien. La démocratie et le débat public ne sont jamais faciles et ce n'est jamais que du beau. La démocratie est la forme la plus mauvaise de gouvernance. Un chef autocratique est toujours plus efficace. Mais à la fin, les meilleures décisions sont prises suite à des débats publics forts dans un environnement démocratique. L'histoire retient beaucoup de noms de chefs autocratiques qui ont mené leurs pays au désastre. En Algérie, comme beaucoup de pays, il y a beaucoup d'aspects d'une bonne démocratie. Mais il y a aussi beaucoup de choses qui réduisent la démocratie à néant et les reportages d'investigation peuvent aider à dévoiler et corriger beaucoup d'aspects dont le phénomène de la corruption. Je crois que la presse algérienne est pleine de vie et d'énergie. Même si elle fait des erreurs, les citoyens algériens ont plus d'informations sur ce qui se passe dans leur pays et cela peut seulement apporter plus de bon que de mal à la longue.