Selon lui, l'Etat a dépensé 10 milliards de dinars pour l'indemnisation des familles victimes de la tragédie nationale. Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Cncppdh), Farouk Ksentini, s'est-il rangé dans le camp de l'opposition? On est tenté de le croire à entendre ses trois «niet». M.Ksentini s'oppose catégoriquement à l'emprisonnement des journalistes, des harraga et regrette que la révision du Code de la famille ne soit pas une révolution. Il est rare d'entendre des personnalités proches des centres de décision développer un discours discordant avec l'unanimisme ambiant. Invité sur le plateau télévisé du forum de l'Entv, tenu samedi dernier, le président a exprimé en toute franchise son mécontentement sur les trois sujets. S'exprimant d'abord sur l'emprisonnement des journalistes, M.Ksentini s'est montré catégorique. «Le journaliste ne doit en aucun être incarcéré, et ce, quel que soit l'information ou le dépassement commis», a-t-il déclaré à la veille de la célébration de la Journée internationale de la liberté d'expression. Intransigeant, il ajoutera que «la liberté d'expression est un acquis irréversible car la presse contribue au développement». M.Ksentini dit qu'il soutenait personnellement «la liberté absolue d'expression qui s'abstient de toute injure ou diffamation», appelant à cette occasion la presse à «s'impliquer dans le combat contre la corruption». Tout en soulignant que la législation protégeait le journaliste et que la Constitution lui confère cette couverture, M.Ksentini regrette l'absence d'une loi relative à cette question. L'invité de l'Entv a saisi l'occasion pour réaffirmer son rejet de la sanction d'emprisonnement du journaliste contrevenant, proposant en contrepartie l'introduction d'une amende. Il a affirmé, dans ce sens, l'intégration dans le prochain rapport annuel à soumettre au Président de la République d'une recommandation pour l'annulation de la sanction d'emprisonnement du journaliste. Concernant l'emprisonnement des «harraga», l'avocat rejette cette sanction estimant qu'une amende serait suffisante. Pour lui, ce n'est pas par l'emprisonnement qu'on réglera le problème mais, dit-il, «il convient de protéger nos jeunes, de les prendre en charge et de les impliquer dans le développement du pays». Quant au Code de la famille, l'invité du Forum a plaidé pour sa révision car il ne protège pas suffisamment les droits de la femme. Interrogé par ailleurs sur les détenus algériens en Libye, M.Ksentini a lié ce problème à la «la non-application» des dispositions de la convention relative à l'extradition des prisonniers algériens. Qualifiant cette question de «douloureuse», Maître Ksentini incombe la responsabilité du «gel de la convention» aux autorités libyennes. Il a demandé à la Libye d'accélérer le transfert des prisonniers algériens pour épargner aux parents de ces derniers les coûts de leur déplacement pour des visites (100.000 DA pour chaque famille). Sur le chapitre de l'indemnisation des familles victimes de la tragédie nationale, M.Ksentini a avancé que l'Etat a dépensé 10 milliards de dinars. En outre, il précisera que 9,94 milliards de dinars ont été dépensés pour la prise en charge des victimes de la tragédie nationale et ont concerné 12.311 dossiers de familles ayant perdu un des leurs du fait du terrorisme et 11.104 dossiers de personnes ayant perdu leur emploi pour implication dans des actes terroristes. A ce propos, M.Ksentini a estimé qu'il était impératif de reconnaître «les efforts considérables» déployés par l'Etat. Au sujet de l'amnistie générale, M.Ksentini a indiqué que cela «relevait des compétences du président de la République». Faisant un résumé de la situation des droits de l'homme en Algérie, le président estime qu'ils «connaissent une amélioration considérable», reconnaissant toutefois qu'il existe encore des «insuffisances». Evoquant les rapports des ONG, M.Ksentini affirme que les ONG et les organisations internationales ont insisté sur le volet politique des droits de l'homme en omettant le volet social en raison de leur «appartenance à des Etats qui ne connaissent pas les problèmes du tiers-monde». «Je rejette catégoriquement toute ingérence dans les affaires intérieures du pays», a-t-il déclaré.