Alors que des lois se font plus rigoureuses pour lutter contre le tabagisme, ce dernier continue à faucher des vies. «La cigarette a gâché ma vie. Je souffre le martyre et je préfère mourir que de vivre ainsi». Tel est le souhait et telles sont les souffrances de Karim. Agé de 39 ans, ce jeune homme a été atteint d'un cancer et a subi une ablation partielle du larynx il y a un peu plus d'une année. Et comme 90% des cancers de ce genre sont attribués au tabagisme, la main assassine de la santé de Karim était la cigarette. D'une voix presque inaudible (conséquence de l'opération qu'il a subie) qui reflète le chagrin et l'amertume, il raconte: «J'ai commencé à fumer à l'âge de 11 ans. J'aimais imiter les grandes personnes et je considérais que tenir une clope entre les doigts et faire des ronds avec la fumée qu'on expirait était une marque de virilité. Par la suite, je me suis pris à fumer entre 5 et 7 paquets par jour. Ce qui veut dire pas moins de 100 cigarettes». Petit silence. Karim ferme les yeux. Il se tord les doigts comme quelqu'un qui veut interpeller le sort qui s'est acharné sur lui. Sa respiration est saccadée car il respire à l'aide d'une sonde. Il continue: «Je savais que la cigarette me causerait un jour ou l'autre des complications, mais j'étais loin d'imaginer que toute ma vie allait basculer dans le noir. Le verdict des médecins a été sans appel. Ne voulant pas admettre la réalité, j'ai refusé tous les soins et les traitements. Mon état s'est aggravé et j'ai été hospitalisé d'urgence. On a pratiqué sur moi une intervention chirurgicale qui me prive partiellement de l'usage de la voix. Pire que cela, en me faisant du mouron et en broyant du noir, j'ai fini par attraper le diabète.» Karim a les larmes aux yeux. Il tente de les retenir mais en vain. Il enchaîne: «Aujourd'hui, je ne suis qu'une loque humaine souhaitant jour comme nuit la mort pour me délivrer de mes souffrances. Ma femme a fini par me quitter en emportant avec elle nos deux enfants. Elle estime que j'ai brisé notre foyer. Voilà ce que la cigarette a fait de ma vie, ou plutôt comment la cigarette a pris ma vie.» Avant de nous quitter ce jeune homme perdu, cet exemple vivant de tout ce que peut détruire la cigarette, a tenu à lancer un message. Que tous ceux qui fument ou qui sont tentés par la cigarette y méditent: «Dépendre d'une cigarette est la pire des choses qui puisse détruire la vie de l'homme. Les conséquences n'apparaissent que bien plus tard.» Terrible, le témoignage de ce jeune qui ne voit plus la vie et l'avenir qu'en noir et ce à cause de la cigarette. Plus terribles encore les chiffres qu'a avancés le Pr Mostéfa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche Forem. Il y a de quoi avoir froid au dos. Et pour cause: la cigarette est responsable de la mort de 15.000 personnes chaque année en Algérie, soit une moyenne de 10 décès chaque heure. Parmi ces décès, 7000 personnes ont été victimes d'arrêt cardiaques. Plus de 5000 autres sont mortes des suites du cancer des poumons sur l'ensemble des 35.000 cas enregistrés chaque année à cause du tabac. Ce dernier est, rappelons-le, derrière 90% des cas de cancer des poumons et du cancer du larynx. Le cancer des artères pulmonaires, quant à lui, ravit chaque année entre 3000 et 5000 personnes. Plus grave encore, 15% des sujets atteints de cette terrible maladie meurent après moins de 5 ans, confirmant ainsi la dangerosité de ces cancers réputés pour être les plus meurtriers. De son côté, le Pr Salim Nafti, spécialiste des maladies respiratoires au CHU Mustapha-Pacha a signalé que 30% des fumeurs dont l'âge varie entre 35 et 55 ans souffrent actuellement de maladies respiratoires graves liées à la consommation de tabac. Ce taux s'élève à 60% chez les sujets dépassant les 55 ans. Concernant le nombre des fumeurs, le Pr Khiati a assuré que plus de 43% de la population algérienne s'adonne au tabac, dont 7% de femmes et 11% d'enfants. Une autre forme de tabagisme, plus dangereuse encore, est en train de s'installer chez nous. Il s'agit du narguilé. Une enquête médicale a démontré qu'une heure uniquement de narguilé équivaut à la consommation de 100 cigarettes par jour, soit de 5 paquets. Beaucoup de jeunes gens croient que ce moyen de fumer est moins dangereux que la consommation de la cigarette, chose qu'a démentie formellement le Pr Khiati. Dans une étude faite au profit de l'Organisation mondiale de la santé OMS, le Dr Mohamed Bouzidi a expliqué que le fumeur du narguilé est exposé à l'aspiration d'une plus grande quantité de nicotine et de gaz carbonique ainsi que d'autres substances toxiques, comparé au fumeur de clope. Cela est impliqué par le fait que le grand effort que fait l'utilisateur du narguilé pour inspirer via le tube de ce dernier permet à la fumée de mieux s'introduire dans les poumons. Avec toutes ces études, ces recherches et ces chiffres effarants, il reste à savoir si le fumeur algérien se décidera à entendre raison, surtout que la consommation de ce poison met également le budget de ce fumeur à rude épreuve.