Avec Bongo disparaît l'un des piliers de ce qui était la «Françafrique». Avec la mort du président gabonais Omar Bongo, annoncée officiellement hier, disparaît l'un des piliers de la «Françafrique», interlocuteur obligé des présidents de l'ex-puissance coloniale depuis plus de 40 ans, même si les relations avec Paris s'étaient récemment crispées. Parvenu au pouvoir en 1967 avec l'aval de Paris, Bongo «était le gardien d'un demi-siècle de secrets de la présence française en Afrique», résume le journaliste Antoine Glaser, rédacteur en chef de la Lettre du continent. «Approvisionnement énergétique, mercenariat, opérations secrètes...Des années 60 aux années 90, il a servi la diplomatie d'influence de la France en Afrique. Et la plate-forme de la France, gendarme de l'Afrique, c'était Libreville», poursuit-il. Le Gabon était aussi le bastion originel d'Elf, la compagnie pétrolière française créée en 1967, dont l'ex-PDG, Loïk Le Floch-Prigent reconnaîtra plus tard qu'elle servait de «diplomatie parallèle» et finançait les services secrets français.. «Le Gabon sans la France, c'est une voiture sans chauffeur. La France sans le Gabon, c'est une voiture sans carburant.» Ainsi, Omar Bongo décrivait-il, dans les années 80, les relations entre Paris et son ex-colonie, riche en pétrole, manganèse et bois. Un lien étroit, basé sur des intérêts croisés, qui s'est maintenu avec tous les présidents français, y compris Nicolas Sarkozy qui avait pourtant promis la «rupture» dans les relations entre la France et l'Afrique, et de «définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés». Le nouveau président avait d'ailleurs fait étape à Libreville, dont la France est le premier bailleur de fonds bilatéral, lors de sa première tournée africaine. Autre signe de la persistance de ces relations particulières, Omar Bongo a obtenu en 2008 le départ du secrétaire d'Etat à la Coopération Jean-Marie Bockel qui l'avait profondément agacé en annonçant vouloir «signer l'acte de décès de la Françafrique» qu'il reconnaissait «moribonde». Les tensions étaient également montées d'un cran après la diffusion, par la chaîne publique France2, d'un reportage consacré aux biens immobiliers luxueux du clan Bongo en France et au sujet desquels des ONG ont porté plainte devant la justice française. Selon elles, ces biens ont été acquis avec de l'argent public détourné. Dans les milieux diplomatiques, on a alors expliqué que la rupture ne devait pas passer en force, et que Nicolas Sarkozy voulait «éviter tout problème» avec l'Afrique. D'autant que le dernier grand dinosaure du précarré français - depuis la mort du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny en 1993-, pouvait rester utile à la diplomatie française. «Tous les chefs d'Etat africains ont eu à traiter avec Bongo et lui doivent quelque chose», souligne un diplomate. Mais les relations ne sont pas pour autant revenues au beau fixe, et la saisie, décidée en février par la justice française, des comptes bancaires de Bongo dans le cadre d'une autre affaire a encore mis de l'huile sur le feu. Le gouvernement gabonais a alors fustigé une «entreprise de déstabilisation», et le Parti démocratique gabonais, au pouvoir, a appelé «à réexaminer en profondeur les accords de coopération» entre les deux pays. De son côté, la France, qui dispose à Libreville d'une base militaire de 1000 hommes, n'exclut pas de la démanteler dans le cadre du redéploiement de son dispositif en Afrique. Alors que son prédécesseur Léon M'Ba est décédé dans un hôpital parisien en 1967, Omar Bongo avait, lui, choisi de se faire soigner en Espagne. Signe des temps?