Le temps d'un concert, Alger-Centre est devenu le lieu privilégié de la rencontre des civilisations. Rythmes, danses, tenues traditionnelles, rap et musique futuriste, voilà les ingrédients de cette soirée. Avant-hier, la Grande-Poste d'Alger a vibré au rythme des musiques traditionnelles africaines et celle futuriste. De 7 à 77 ans, les habitants d'Alger-Centre se sont abreuvés à la coupe exquise jusqu'à l'ivresse. Il est 22h00, la rue Didouche Mourad s'est mue en un fleuve humain. Le fleuve s'écoule doucement vers la Grande-Poste où des enceintes trônant sur la scène placée à cet effet, émane un rythme musical soutenu. Le coeur d'Alger bat la chamade. Mais tout à coup, tout s'arrête. Le temps semble suspendu. Une troupe tambourinaire fait son apparition. Les tenues traditionnelles que portent les musiciens de Akaya Zwé rappellent la beauté du relief et du ciel du Burundi. Dans leurs mains, il tiennent des baguettes. A leur cou sont suspendus des tambourins. Les mains se lèvent et les baguettes retombent sur les percussions dans un mouvement mesuré. On dirait que les musiciens exécutent des mouvements articulés par un marionnettiste invisible mais combien habile. En se libérant, deux de leurs compères exécutent une danse populaire. Cette danse se décline sur une partition dédiée à la diversité culturelle de l'Afrique. La partition est intitulée Les noces de la musique africaine. Aux abords de la scène, les milliers de présents sont subjugués par la beauté du spectacle et emportés par l'intensité du moment. En quelques minutes, Akaya Zwé nous a fait voyager à travers le temps. De retour à la Grande-Poste, nous sommes accueillis par le son rauque de la guitare de Lotfi Attar. Y a zina enflamme l'ambiance. Mais...C'est Raïna Raï!. Mêlée à de l'espoir, la curiosité s'empare des présents. Raïna Raï, le célèbre groupe de Sidi Bel Abbès est-il programmé pour ce soir? En guise de réponse, les mélomanes se contenteront d'écouter la musique transmise par les baffles de la mégasono. Arrive le tour de Amine Hanine, un jeune chanteur algérien adepte du R'n'B. Coiffé d'une casquette et portant une tenue en adéquation avec son style, Amine nous propose Obsessed With my wind. Cette musique a soufflé un air de joie. Cependant, cette joie est altérée par la réalité émaillée de conflits que vit le monde. «Arrêtez ces guerres», a entonné Hanine. Ce jeune musicien aspire à vivre dans un monde où «l'amour sera roi et l'art fera loi». Un monde où la liberté ne sera pas un vain mot. To be free, être libre, a encore chanté Amine Hanine. La nostalgie de ce rêveur aux grandes oeuvres qui ont marqué les années 70 est incurable. Remis de nos regrets, nous sommes invités à découvrir les réalités de notre quotidien sur une musique rap de contestation. L'invitation nous est faite par Dadou Finomène, jeune rappeur algérien. Les derniers exploits de la sélection nationale de football inspire à Dadou Allez ouled l'Algérie. Par cet air, Dadou exprime le sentiment de fierté éprouvé par les millions d'Algériens à chaque sortie victorieuse du Onze national. Cependant, Dadou est loin d'être dupe. Les exploits des Fennecs ne cachent pas la misère dans laquelle se morfondent les siens. Cirque Amar est une dérision qui met le doigt sur les maux de la société et les limites des réponses politiques apportées aux aspirations légitimes des Algériens. En ce sens, Dadou Finomène se sert de la tribune qui lui est offerte pour dire tout haut ce que ne peuvent exprimer les sans-voix. Une nuit après sa performance à Riadh El Feth, voilà que ce jeune rappeur au style rageur vient dire ses vérités sur la place d'Alger-Centre. Le cri de Dadou est emporté par les vagues de la mer étendue, au loin, derrière la scène. En échos nous parviennent alors les airs futuristes de Big Ali, le célèbre rappeur franco-africain. Le rap de Big Ali constitue une passerelle musicale jetée entre l'Europe et l'Afrique. Ainsi se joignent deux cultures en quelques mesures qui remettent en cause la thèse du «choc des civilisations». Pour ce faire, l'Afrique et l'Europe se sont donné rendez-vous à Alger. Et la rencontre se transforma en une fresque qui raconte l'histoire des civilisations. N'est-ce pas que la Méditerranée en constitue le berceau? Quand le culturel transcende le politique, le rêve de vivre dans un monde meilleur devient si facile à réaliser. Si seulement...