Le continent noir est marginalisé, blessé, meurtri: c'est ce qui ressort de ces courts métrages ponctués pour certains de notes d'espoir malgré tout. La salle Ibn Zeydoun a abrité le soir de lundi dernier la projection de 10 courts métrages réalisés par 10 grands cinéastes africains. Des films financés par la société algérienne Laith media pour le compte du Festival culturel panafricain. Le premier, Telegraph to the sky, celui de Teddy Matera (Afrique du Sud) raconte le traumatisme d'un soldat qui revient dans son village en héros mais qui se trouve confronté aux terribles souvenirs de la guerre qui lui a infligé des séquelles psychologiques irréparables. Le second Exhibitions «Zoo humain» est un documentaire poignant de Rachid Bouchareb sur le destin de ces colonisés transformés en animaux de foire et exhibés à la face du monde, scindant celui-ci en 2 humanités. Un racisme sans précédent qui a marqué le début du siècle avec l'exhibition de plus de 30.000 «meutes humaines» (Indiens, Zoulou, Arabes, etc.). Des êtres humains réduits à de simples phénomènes de cirque. Bref, un film qui dénonce le racisme et donne même les prémices de ce que sera le fascisme et l'extrême droite plus tard...De son côté, Zézé Gomboa d'Angola évoque dans son court Bonjour d'Afrique de la vie quotidienne de son pays, non sans être dénué d'humour et de malice à travers la vie de ses petits gens dont cet homme auquel le portable est dérobé par un policier. Dans 2000 générations d'Africains, Gaston Kaboré du Burkina Faso évoque le riche patrimoine légué par nos ancêtres en Afrique, qualifié à juste titre de berceau de l'humanité. Cela est suggéré par ses visages humains relayés par des sculptures ou totems africains. Dans Nous aussi nous avions marché sur la lune, Balfu Bakupa Kayinda dénonce l'ignorance stupide et prône le savoir en Afrique comme une arme indéfectible. Flora Gomes (République de Guinée Bissau), quant à lui, donne à voir dans l'empreinte de tous les temps une belle métaphore poétique de son beau pays à travers des images renvoyant à l'innocence enfantine, la joie de vivre, les couleurs chatoyantes de l'Afrique pour finir avec la pluie, cette eau, denrée rare en Afrique. Mama Keita, de la Guinée, raconte pour sa part dans son court One more vote for Barack Obama l'histoire d'un sans papier kenyan qui rêve de gagner le marathon de New York afin d'obtenir ses papiers et pouvoir voter pour Barack Obama. Le court métrage se termine par ces images connues où des artistes américains se sont mobilisés pour la campagne du président américain. Coquillage de Sol Calvaho du Mozambique met en scène la tentative de survie de deux jeunes soldats en pleins tourments de la guerre. Le court métrage de Nouri Bouzid, Errance nous fait, de son côté, découvrir le comédien Sotigui Kouyaté dans la peau d'un griot qui se trouve embarqué par la police tunisienne pour non-possession de papiers d 'identité. Kouyaté nous donne dans ce film une véritable leçon d'humanité et de sagesse. Enfin, le court métrage de Abderahmane Sissako (Mauritanie-Mali) raconte les déboires d' Une femme fâchée. Il est regrettable, ont tenu à dire les cinéastes de n'avoir vu aucune femme sur cette liste de 10 courts métrages. D'aucuns ont dénoncé les conditions difficiles dans lesquelles ils ont travaillé pour remettre leur copie à temps. Seul Mama Keita qui s'est pourtant pris tard, faut-il le noter, a mis les sous-titres dans son film. Nouri Bouzid fera remarquer à propos de son film: «J'ai été dans le sens de provoquer les Tunisiens qui sont réellement racistes.» Pour Abderahmane Sissako, il fallait que son personnage central soit une femme qui dénonce ses souffrances à la face de l'Occident. «Il faut qu'on soit dans une dynamique d'autocritique de notre continent», a t-il dit. Teddy Materra soulignera le fait que l'Afrique du Sud est arrivée au cinéma tardivement et qu'il est nécessaire d'évoluer. «Je considère que nous sommes des enfants dans la même famille». Mama Keita relèvera surtout les problèmes techniques qu'il a eus, faisant annuler 2 de ses projets pour retenir ce troisième et le fait de l'avoir réalisé à la hâte, et ce sans scénario écrit. «C'est symptomatique de l'improvisation dans laquelle nous avons été confrontés. J'espère voir la prochaine fois l'Afrique vue par 10 cinéastes femmes.»