Des insurgés soufis, dirigés notamment par l'ancien bras droit de Saddam Hussein, l'insaisissable Ezzat al-Douri, sont devenus un des principaux sujets d'inquiétude des forces américaines et irakiennes dans le nord de l'Irak. Ce groupe dénommé ´´Jaish Rijal al-Tariqa Nakshabandia´´ (Jrtn, compte des Arabes, des Kurdes et des Turcomans, est en train de prendre l'ascendant sur al Qaîda en dénonçant les exactions commises par les affidés d'Oussama Ben Laden. «Ce groupe risque d'être une sérieuse menace durant longtemps pour les autorités», confie le commandant Chuck Assadourian, chef du renseignement de la 2e brigade de la 1ère division de cavalerie de l'armée américaine à Kirkouk. «C'est le plus grand danger», renchérit le chef de la police de la province, le général Jamal Taher Bakr. La Jrtn a été formellement constituée fin 2006, la nuit de l'exécution de l'ancien dictateur, et ses meneurs sont des dignitaires baâssistes comme Ezzat al-Douri ou l'ancien ministre de l'Intérieur Mohammed Younès, explique le commandant américain. Ils ont choisi d'emprunter leur nom à un ordre soufi originaire du sous-continent indien et implanté dans le nord de l'Irak depuis deux siècles, car beaucoup d'habitants de la région affirment suivre cette école mystique. Constituée de nostalgiques du parti Baas et d'anciens officiers, le Jrtn affirme publiquement être contre les attentats suicide et affiche dans ses communiqués son opposition aux attaques contre les civils et les policiers, ce que réfutent avec vigueur les forces de sécurité irakiennes. Si les attentats les plus sanglants portent le label d'al Qaîda, les Nakshabandia, présents aussi dans la province de Salaheddine, berceau familial de Saddam Hussein, sont spécialisés dans le lancer de grenades et les bombes cachées sur le bord des routes, selon le commandant Assadourian. Le groupe a revendiqué plusieurs attaques contre des cibles américaines, notamment la mort de quatre soldats en janvier lors d'une collision entre deux hélicoptères à la suite de «tirs hostiles», selon la terminologie américaine. Mais pour l'officier américain, beaucoup de vidéos réalisées pour attirer de nouvelles recrues sont des images recyclées. «Ils ont une production mensuelle de vidéos mais si vous la regardez de près, vous vous apercevrez qu'il s'agit toujours des mêmes images qu'ils présentent chaque fois comme une opération nouvelle menée dans un lieu différent», dit-il. Pour lui, la bataille sera longue et la victoire passe par la réconciliation politique avec les anciens baâssistes et une meilleure représentation politique des sunnites, qui avaient boycotté les élections générales de 2005. «Les gens (d'al Qaîda) se fichent de gagner l'adhésion de la population, ils ont une idéologie extrémiste», dit-il. En revanche, «si les sunnites se sentent mieux représentés lors des élections prochaines, cela peut aider» à réduire la présence du Jrtn. «Il doit y avoir une véritable volonté politique d'intégrer les nombreux technocrates de l'ancien régime, car l'interdiction faite à beaucoup de baassistes d'occuper des postes de responsabilité crée une situation conflictuelle», assure le commandant américain. Le processus de réintégration d'ancien baâssistes se fait lentement après la purge lancée par les autorités américaines immédiatement après l'invasion de 2003 et le renversement de Saddam Hussein.