Les marchands de fruits et légumes, les bouchers...n'y ont pas été de main morte en ce début de mois de Ramadhan, au grand dam des consommateurs. «Tout contrevenant qui sera pris la main dans le sac sera sévèrement sanctionné et la loi sera appliquée dans toute sa rigueur», avait averti le secrétaire général du ministère du Commerce. L'heure a sonné pour mettre en pratique ces mises en garde. «Voleurs, affairistes, profiteurs, voyous...» Les «saigneurs» de porte-monnaie ont été affublés de tous les quolibets. Les produits les plus prisés en cette période de mois sacré ont atteint des sommets. 1000 dinars le kilo de viande, 350 dinars celui du poulet, 80 dinars le kilo de tomates...Selon toute vraisemblance, l'opération inscrite dans le cadre du système de stockage et de régulation des produits de large consommation, élargie aux viandes rouges et blanches, initiée par les pouvoirs publics, a paradoxalement produit l'effet contraire de celui escompté. Elle a largement contribué à l'envolée des prix et a fait la part belle aux spéculateurs. En principe, plus un produit est rare sur le marché plus il est cher. C'est donc l'histoire classique de l'offre et de la demande qui est posée dans toutes ses dimensions. Les responsables chargés de satisfaire ce postulat n'ont-ils pas agi de manière à bouleverser les lois universelles qui régissent les théories économiques classiques les plus affirmées? En stockant massivement depuis le mois de juillet, soit deux mois avant le début du Ramadhan, ils ont tout bonnement servi sur un plateau d'argent la meilleure des opportunités aux affairistes de tout poil pour justifier une flambée des prix qui aurait, malgré tout, eu lieu, il faut le signaler. Une faille que ces derniers n'ont pas hésité à exploiter lorsque le prix du poulet s'est envolé il y a à peine quelques jours en invoquant sa rareté, son manque de disponibilité. On avait toutefois l'impression que l'on se dirigeait vers plus de raison tant l'approvisionnement des marchés, en particulier celui des fruits et légumes et des viandes, allait être convenablement assuré, nous disait-on. Ce qui s'est avéré exact. Les étals des commerçants sont plus que bien achalandés et à première vue on aurait plutôt tendance à parler d'abondance. Et qui dit abondance dit prix raisonnables. Il y a eu cependant un petit grain de sable qui a empêché cette belle mécanique de bien tourner. Les promesses de mise en place d'instruments de lutte contre la pratique de la spéculation pour contrer la flambée des prix des produits de consommation ne datent pas d'hier. «Ces organes, qui dépendront du gouvernement, sont à même d'assurer une offre conséquente en cas de rareté d'un produit quelconque sur le marché, afin d'éviter la hausse des tarifs qui en découlerait. Dans le cas contraire, ces offices peuvent, cependant, absorber le surplus des produits dans le but de maintenir les tarifs à des niveaux raisonnables qui arrangeraient aussi les producteurs», avait déclaré en décembre 2006, El Hachemi Djaâboub, lors d'un forum de l'Entv, qui préconisait le retour à l'instauration d'offices pour réguler les prix des produits de consommation. «C'est l'un des instruments efficaces de régulation. Nous ne voulons pas reprendre l'ancienne politique, d'Etat commerçant, mais celle d'un Etat régulateur qui lutte contre la spéculation», avait souligné le ministre du Commerce. Force est de constater que trois années ont passé, le phénomène a pris encore plus d'ampleur sans que le département du commerce ne soit parvenu aux objectifs qu'il s'est fixés. La spéculation a la peau dure semble-t-il. Le secrétaire général de l'Union générale des commerçants et artisans algériens a sa petite idée sur cet agiotage, cette poussée de fièvre qui s'empare des commerçants, en particulier à l'occasion du mois de Ramadhan. «Cela est dû en partie au marché informel qui ne laisse pas les commerçants exerçant dans la légalité travailler normalement et les pousse à entrer eux aussi dans l'informel.» C'est tiré un peu par les cheveux mais nous voilà édifiés sur les origines et les causes de ce qui rogne le pouvoir d'achat des Algériens. «Il n'y a pas de loi qui fixe les prix des produits», a ajouté Salah Souilah pour compléter sa démonstration. Comme il n'existe pas non plus d'associations de défense des consommateurs, aurait-il pu ajouter. Des failles qu'exploitent à fond et sans vergogne ces prédateurs qui entretiennent sciemment la confusion entre économie de marché et économie de bazar et dont la main invisible tord le cou aux théories économiques les plus établies.