Qui dit vrai? Qui dit faux? Qui aura tort et qui aura raison? La dure réalité du quotidien aura le denier mot et penchera très vraisemblablement du côté du consommateur mais plutôt à ses dépens. Un petit regard posé sur les étals des marchés de fruits et légumes, une petite incursion dans les boucheries permettent de constater que la flambée des prix s'est d'ores et déjà installée. La pomme de terre campe sur les 40 dinars le kilogramme et attend le coup de starter pour se remettre en vedette, la tomate de bonne qualité oscille autour des 70 dinars, la courgette qui risque de faire un bond spectaculaire stagne selon les étals des commerçants à 40 dinars... Quant aux fruits, mis à part la pastèque qui reste, pour le moment, à la portée des petites bourses, le reste c'est du luxe. Côté viandes, le poulet n'a pas attendu le coup d'envoi, il a déjà pris son envol. Il est cédé à 330 dinars le kilogramme. La viande rouge plafonne à 850 dinars avec l'espoir d'atteindre la barre des 1000 dinars. Les bouchers approchés n' ont pas fourni de réponse à la question. L'un d'entre eux a étrangement répondu: «Si cela continue je vais être obligé de fermer.» Il y avait très peu de clients dans sa boutique. Les prix élevés pratiqués en ce moment par l'ensemble de la profession ont sans aucun doute fini par décourager plus d'un. Sollicité par nos soins sur le même problème, un marchand de fruits et légumes, l'air embarrassé, a fini par lâcher cette réplique significative, en guise d'aveu: «Je ne veux même pas y penser!» Du côté du département de Rachid Benaïssa, les sorties médiatiques et les déclarations se multiplient. Elles sont autant rassurantes les unes que les autres. Les fruits et légumes inonderont les marchés. «Il n'y aura pas de pénuries», soutiennent les services chargés de la communication du ministère de l'Agriculture et du Développement rural. Particulièrement en cette période de mois sacré du Ramadhan. L'expérience des années passées et les statistiques, si l'on doit nous exprimer ainsi, ont de tout temps penché en faveur d'une envolée spectaculaire des prix à l'approche de cet événement. La saison passée, et en plein mois de jeûne, la tomate s'échangeait à 70 DA le kilogramme, la courgette à 80 DA au même titre que les haricots verts et les poivrons. Les dattes atteignaient 360 DA le kg tandis que le frik, qui constitue l'élément principal de la traditionnelle et incontournable chorba, culminait à 220 DA le kg. La flambée des prix avait pourtant baissé d'intensité. On était pratiquement à la mi-Ramadhan. Les spéculateurs tapis dans l'ombre ont surgi et fait leur beurre. Comme à chaque fois. Ils savent qu'ils ne risquent à aucun moment d'être inquiétés. Ce n'est pas parce qu'ils jouissent d'une quelconque impunité. Ils profitent tout simplement d'un système dont l'organisation est démunie de tous mécanismes de contrôle et de régulation efficaces qui les rendraient inopérants. Pourtant, pour cette année, l'on jure par tous les saints du côté des services concernés par la gestion de ce casse-tête qu'une sévère chasse, sans répit et sans complaisance leur sera menée. Le secrétaire général du commerce assure que «tout contrevenant qui sera pris la main dans le sac sera sévèrement sanctionné et la loi sera appliquée dans toute sa rigueur.» La musique est connue. «Nous savons que ce genre de pratiques se multiplient à la veille de chaque mois de Ramadhan afin de provoquer la hausse des prix» a tenu à souligner M.Telli en pointant un doigt accusateur et menaçant en direction des spéculateurs. Paradoxalement, le secrétaire général du ministère du Commerce reconnaît qu'il faut s'attendre à une flambée des prix la première semaine de ce mois de piété, de solidarité, et du pardon. «C'est l'expérience qui nous l'a appris», a-t-il ajouté. Chacun l'interprétera à sa manière, de toute évidence cela sonne comme un aveu d'impuissance. Les spéculateurs de tout poil peuvent se frotter les mains et se lécher les babines, les affaires seront plus que juteuses cette année encore, durant le mois sacré.