La crise actuelle est, selon le professeur Ahmine Chafik, une seconde chance pour l'Algérie de faire une halte afin de «mettre de l'ordre dans la maison». Le FLN a renoué avec les débats critiques à l'occasion des conférences thématiques qu'il organise depuis quelques mois et ce en prévision de la tenue de son 9e congrès prévu au début de l'année 2010. Avant-hier, le siège du parti a connu une présence remarquable d'experts en économie, de cadres gestionnaires et d'anciens militants de retour sur la scène politique. La conférence portait sur le développement de l'économie nationale en dehors des hydrocarbures et celle-ci était animée par un professeur d'université émérite en l'occurrence, Ahmine Chafik, expert en commerce international et auteur de plusieurs ouvrages traitant du sujet. Sa conférence n'a pas laissé indifférents les présents qui ont dû jouer des coudes pour répondre à la problématique soulevée lors de son intervention académique. Même le ministre des Transports, Amar Tou a dû intervenir pour tempérer les ardeurs de certains intervenants. Selon le conférencier, l'Algérie doit choisir, avant qu'il ne soit trop tard, son modèle de développement et initier une «stratégie nationale globale et volontariste associant les secteurs public et privé» en se basant sur le secteur de l'industrie comme principal moteur de l'économie: «Les recettes financières tirées des hydrocarbures depuis 47 ans et la dépendance dangereuse vis-à-vis de cette ressource peuvent déboucher à terme sur un syndrome de Stockholm et voir s'éloigner l'Algérie de la bonne gouvernance qui engendre la corruption et le gaspillage», dit-il d'emblée. Le débat engagé depuis peu sur le retour à la terre et l'agriculture ainsi que le développement du tourisme, du secteur des services et des TIC n'est pas, aux yeux du conférencier, «suffisant pour amorcer un développement durable». Seul le secteur de l'industrie a cette capacité de faire booster les autres secteurs, soutient-il. Selon cet expert, l'industrialisation du pays participe au développement de l'agriculture, des services et de l'agroalimentaire: «Le retour à l'industrialisation sans occulter les autres secteurs peut créer les conditions nécessaires pour le développement de l'agriculture et donne un pouvoir de négociations sur le plan international» avance-t-il. La crise actuelle est, selon cet expert, une seconde chance pour l'Algérie de faire une halte afin de «mettre de l'ordre dans la maison» et de provoquer les conditions idéales pour s'intégrer dans cette «architecture mondiale.» Mais avant tout, avertira-t-il, «il faut faire une analyse objective de cette crise. Si l'Algérie veut sortir de cette crise, il faut qu'elle applique un certain pragmatisme. Il ne faut pas négliger les ressources humaines, la recherche scientifique, car sans ces deux facteurs l'Algérie n'aura aucune place dans l'économie mondiale. Les responsables politiques doivent laisser de côté le dogmatisme qui tant fait mal au pays». A la fin de son intervention, le conférencier prônera une économie sociale de marché chère aux partis sociaux-démocrates de l'Europe. Le débat qui s'est ensuite instauré a permis plus ou moins à certains anciens responsables du FLN de faire l'éloge du «tout-socialisme.» Pour El Hadi Khaldi, le ministre de la Formation professionnelle, l'Algérie est dans une «économie d'endettement.» Selon lui, «le secteur financier est le seul capable de tirer un pays vers le développement». Lui succédant, Amar Tou, le ministre des Transports prône une autre approche: «Rappelez-vous qu'au début des années 80, le pouvoir à l'époque avait initié un plan antipénurie au détriment de la troisième phase qui allait achever le développement du pays. Résultat: ce fut une catastrophe. Figurez-vous que le réseau ferroviaire date des années 80. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent que les recettes tirées des hydrocarbures ne doivent pas être utilisées pour amorcer le développement. Nous devons achever le programme de réalisation des infrastructures», achevera-t-il de conclure. Le secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, en conclave avec le Président Bouteflika, selon Saïd Bouhadja, n'a donc pas pu assister à cette rencontre. Le cycle des conférences initié par le FLN sur les divers aspects de la vie en général devrait permettre au FLN de peaufiner in fine ses approches en matière d'économie, de politique sociale et culturelle.