«Les Tabaqât, constituent une mine d'anecdotes intéressantes, de tableaux prosaïques, mais réels, de scènes déterminées, dans la plupart des cas, par des témoins présents», est-il précisé dans l'introduction. L'ouvrage du professeur Mohamed Bencheneb (1869-1929) retraçant la biographie des plus célèbres savants ayant vécu à Qaïrouan et à Tunis, jusqu'à la première moitié du IVe siècle, et édité en 1920 en français sous le titre de Classe des savants de l'Ifriqiya vient d'être réédité par l'Office des publications universitaires (OPU). L'ouvrage, dont la version originelle en arabe porte le titre de Tabaqât olama Ifriqiya, et qui commence par trente-cinq pages de traditions sur les mérites de l'Ifriqiya, est le fruit d'un long travail de recherche sur ces auteurs, leurs biographies détaillées, leurs ouvrages, leurs maîtres et leurs principaux disciples, le tout ponctué d'anecdotes. «Les Tabaqât forment une mosaïque historique composée d'une multitude de petites narrations, groupées par personne, constituant une mine d'anecdotes intéressantes, de tableaux prosaïques, mais réels, de scènes déterminées, dans la plupart des cas, par des témoins présents», est il précisé dans l'introduction. Parmi les personnalités étudiées, il est à citer notamment les jurisconsultes, historiens, poètes, médecins et littérateurs Abu l'Arab, Abû ‘Abd Allah Mohammed Ben al Hârit ben Asad al Hosani, Abderrahmane Ben Ziyâd Ben An'om Al Ma'âfiri, Al Hârit Ben Nabhân, Abd Allah Ben Farrûh, Yahyâ Ben Sallâm, Ali Ben Ziyâd Al Himsi, Abd Allah Ben ‘Omar Ben Ganim ar Ro'aini, Soqrân Ben Ali ainsi que Abû Mohriz Mohamed Ben Abd Allah Al Kinâni, et Yazid Ben Mohamed Al Gomahi qui figuraient parmi les plus grands savants et cadis de l'Ifriqiya. Le livre, d'une grande valeur documentaire, et qui comporte de nombreuses données sur l'histoire de Qaïrouan, de Tunis, voire même de la Sicile, contient en annexe une très complète bibliographie des ouvrages consultés, un index des noms de personnes, des noms des lieux et de villes. Mais ce qui ajoute grandement à la valeur de cette traduction et éclaire singulièrement le texte, ce sont les abondantes et érudites notes historiques, biographiques et bibliographiques. Il n'est pas un des personnages cités dans le texte de Mohamed Bencheneb qu'il n'ait pris à tâche de faire connaître la biographie détaillée, avec toutes les références utiles aux ouvrages qui en ont parlé. «En s'imposant ce travail considérable de recherches bibliographiques, Mohamed Bencheneb a décuplé la valeur documentaire des textes qu'il a traduits», est-il relevé à propos de cet ouvrage publié en 1915 en arabe et en 1920 en français. L'ouvrage édité par l'OPU fait partie d'une collection consacrée à Mohamed Bencheneb, sous la direction de son fils Djaâfar, et portant le nom de «Bibliothèque Bencheneb». L'objectif de cette collection est de rééditer l'ensemble des ouvrages écrits ou traduits par Mohamed Bencheneb soit un total de dix-huit livres dont deux viennent de paraître chez l'OPU, à savoir Tabaqât ulama Ifriqiya et sa version en français Classe des savants de l'Ifriqiya, ont indiqué les responsables de l'OPU. Né le 26 octobre 1869 à Médéa, Mohamed Bencheneb fréquente d'abord l'école coranique, l'école primaire, le collège de Médéa avant de rejoindre l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréah (Alger). Il s'inscrit ensuite à l'Ecole des Lettres d'Alger, puis entreprend des études ayant trait à la théologie, à la rhétorique, au hadîth, à la grammaire, à la généalogie et à la logique formelle, auprès du savant Abdel Halim Ben Smaïa. Le lettré, ayant de bonnes dispositions pour l'étude des langues, apprend notamment le latin, l'espagnol, l'allemand, le turc et le persan, occupera les fonctions de professeur à la médersa d'Alger, maître de conférences à la Faculté des lettres d'Alger, professeur d'arabe moderne à la faculté des Lettres d'Alger et professeur honoraire des medersas. Parallèlement, il collabore à des revues publiées en langues arabe, française, italienne et allemande et publie de nombreuses éditions critiques d'ouvrages anciens relatifs à l'histoire du Maghreb. Mohamed Bencheneb est l'auteur de nombreuses publications en langues arabe et française, dont Proverbes arabes de l'Algérie et du Maghreb (1905), Tabaqât' ulama' Ifriqiya (1915), Abu Dolama, poète bouffon de la cour des premiers califes abbassides (1922), Voyage au Hedjaz d'Al Wartilani (1908), Catalogue des manuscrits arabes de la Grande mosquée d'Alger (1909), Mots turcs et persans conservés dans le parler d'Alger (1922). Mohamed Bencheneb, qui a fait partie de plusieurs sociétés scientifiques (Société historique algérienne, Société asiatique de Paris, Société arabe de Damas...), était aussi membre fondateur en 1926 de la revue Bibliotheca Arabica publiée par la Faculté des lettres d'Alger.