Les deux derniers mois de la gestion des APC risquent de créer de graves zones de turbulences. En gelant le pouvoir décisionnel des présidents d'APC concernant les dossiers lourds (logement, terrains, aides sociales, etc.), le ministère de l'Intérieur entendait, bien sûr, brider les élus, tentés, en cette fin de mandat, de «semer à tout vent» les derniers biens dont disposent encore les communes, en attendant l'élection, en octobre prochain, du nouvel exécutif communal. Mal lui en prit, car les APC, dans leur ensemble, sont en train de créer un nouveau malaise qui risque de se transformer en zones de turbulences sociales extrêmes. Les premiers signes avant-coureurs sont déjà là, et les premiers jours du mois d'août ont indiqué clairement que les voyants sont au rouge. Et, hormis des situations où la tension est affichée, on assiste à un grave effacement de l'APC au profit des pouvoirs occultes des houmate, des «privilégiés» et autres éléments incontrôlables. Pratiquement, les élus issus du mandat d'octobre 1997 ne gèrent plus, ne siègent plus, ne travaillent presque plus, à l'image de ce président d'APC de Djelfa, mis en voie de garage depuis près de cinq mois. Cet espace «blanc», ces «temps morts», transforment beaucoup de communes en une sorte de no man's land, dans laquelle la première représentation de l'Etat devient une terre d'armistice. Qu'on en juge : de graves émeutes ont éclaté en début de semaine à Larbaâtache, près de Khemis El-Khechna. Motif: les émeutiers réclamaient l'alimentation en eau potable. De l'eau, et rien de plus. En l'absence d'écoute de leurs élus, et pour se faire entendre, ils ont dû bloquer le CW36 et inciter l'intervention de la Gendarmerie. A Maqaria, sur deux routes différentes, des citoyens ont entamé des travaux de leur propre chef, afin de dégager des conduites d'eau usées, se substituant ainsi à la commune, absente depuis longtemps déjà. Aux Eucalyptus, le P-APC n'a pas siégé avec les autres élus, n'a pas regardé du côté de Zerhouni pour vendre un espace jouxtant une école. L'acquéreur a déjà entamé des travaux de construction à la grande surprise des riverains, qui se sont présentés à notre rédaction pour révéler cet état de fait. Oum El-Bouaghi, le même jour, la même heure où sont signalées les émeutes de Larbaâtache, connaît les siennes. Des troubles ont éclaté et des biens publics ont été détruits. Motif: «La distribution des 943 logements a été injuste, inique et partiale», disent les casseurs d'édifices publics. El-Milia, deuxième grande ville de la wilaya, après Jijel, pratiquement le même jour, a connu «ses» émeutes, «les émeutes de l'eau, et contre la hogra», crie à tue-tête une population surchauffée. On peut citer encore à l'infini des dizaines d'exemples, qui, depuis le 1er août, agitent les communes. A deux mois des élections locales d'octobre 2002, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser, ni être optimiste, car ce n'est pas tant le président d'APC qui est amendable et condamnable, mais tout le système qui est à repenser, à reformer et à formater. La «grande kechfa» des APC est visible, parce qu'elle a été au contact du peuple. La hiérarchie maire-préfet-wali est à redéfinir, et chacun doit dorénavant être soumis à un «contrat de performance» qui le soustrait à l'alibi d'avoir été «placé» par l'électorat ou par le Président de la République lui-même. On parle souvent, à tort, et avec une suffisance criminelle, d'éradiquer le terrorisme en tuant les terroristes. C'est simpliste et symptomatique à la fois d'un état d'esprit irresponsable. Car voilà, devant nous, les premières sources de création de mouvements violents. Et qui vont s'accentuer à l'avenir.