Le président américain Barack Obama a clairement signifié mardi que le Pakistan était essentiel pour le succès de la guerre en Afghanistan, tentant ainsi de mobiliser un allié toujours méfiant. «Nous allons agir en étant parfaitement conscients que notre succès en Afghanistan est lié inextricablement à notre partenariat avec le Pakistan», a-t-il lancé en annonçant aux Américains l'envoi de 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan. «Nous sommes en Afghanistan pour empêcher qu'un cancer s'étende une nouvelle fois à travers ce pays», a-t-il expliqué: «Mais ce même cancer a pris racine dans la région frontalière du Pakistan. C'est pourquoi il nous faut une stratégie qui fonctionne des deux côtés de la frontière». Le président a estimé que l'établissement d'un «partenariat efficace» avec le Pakistan était l'un des «éléments-clé» de sa stratégie militaire, soulignant que Washington et Islamabad faisaient face à un ennemi commun. «Les peuples et les gouvernements tant de l'Afghanistan que du Pakistan sont en danger», a-t-il souligné: «Et l'enjeu est encore plus important dans un Pakistan disposant de l'arme nucléaire, parce que nous savons qu'Al-Qaîda et les autres extrémistes cherchent des armes nucléaires et que nous avons toutes les raisons de croire qu'ils s'en serviraient». Barack Obama a évoqué «un partenariat avec le Pakistan fondé sur des intérêts mutuels, un respect mutuel et une confiance mutuelle», tentant d'apporter une réponse à la méfiance profonde manifestée par l'opinion pakistanaise envers les Etats-Unis, largement accusés d'avoir abandonné le pays après les années 1980. Il a insisté sur l'aide à la fois militaire et économique apportée à Islamabad et promis que «l'Amérique restera un fort soutien de la sécurité et de la prospérité du Pakistan, bien après que les armes se seront tues». Les Etats-Unis ont adopté en octobre une loi autorisant une aide de 7,5 milliards de dollars sur cinq ans au Pakistan. Mais cette initiative a suscité une polémique à Islamabad, où l'opposition et une partie de l'armée ont accusé Washington de vouloir dicter sa politique au pays. L'expert Anthony Cordesman, interrogé après le discours, juge Washington «très sincère dans sa tentative d'avoir une relation plus stratégique et stable avec le Pakistan». «Les propos du président sont très encourageants», pense aussi Richard Nelson, du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington, pour qui «il va toutefois falloir du temps pour reconstruire la confiance» entre les deux pays. Barack Obama, dit cet expert, va devoir aussi veiller à ce que l'effort militaire accru en Afghanistan n'affaiblisse pas le Pakistan par ricochet: dans ce scénario, des taliban chassés d'Afghanistan par les troupes alliées viendraient déstabiliser l'ouest du Pakistan. Mais la plus grande crainte des Pakistanais est ailleurs, suggère Kim Barker, du Centre des relations extérieures (CFR) à New York, en pointant vers New Delhi, l'ennemi historique d'Islamabad. «Ce qui rend les Pakistanais vraiment nerveux, dit-elle, c'est la perspective que les Etats-Unis quittent l'Afghanistan et que l'Inde remplisse le vide: quand on accuse le Pakistan de double jeu et de soutien aux terroristes, on ne comprend pas que l'enjeu n'est pas la relation entre le Pakistan et l'Afghanistan, mais entre le Pakistan et l'Inde».