L'impact sur l'agriculture en Afrique subsaharienne serait «épouvantable», estime Philip Thornton, de l'Institut international de recherche sur le bétail (ILRI). La forêt amazonienne partiellement réduite à l'état de maquis, des côtes et deltas d'Asie submergés, des incendies en Australie et des centaines de millions de personnes contraintes à l'exil: avec quatre degrés de plus, la planète serait méconnaissable. Le chiffre n'est pas tiré d'un scénario de science fiction. Il est issu des travaux du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (Giec), qui estime que la température moyenne de la planète pourrait grimper de +1,1 à 6,4°C d'ici à 2100, avec une valeur moyenne «plus sûrement comprise» entre +1,8 et +4°C. «Quatre degrés, ce n'est pas une projection apocalyptique, c'est une projection vers un monde très probable si on fait ne rien», résume, laconique, le climatologue français Hervé Le Treut. Cette barre, qui pourrait être franchie, dans le pire des scénarios, dès 2060, selon une récente étude du Hadley Center britannique, fait l'objet d'une attention croissante: une centaine de scientifiques se sont réunis pour la première fois, fin septembre à Oxford, sur ce thème. Leurs travaux rappellent d'abord que cette température moyenne dissimule de gigantesques variations régionales, avec une envolée du thermomètre pouvant aller jusqu'à + 15 degrés en Arctique et une chute de 20% des précipitations annuelles dans de très nombreuses régions du monde. L'impact sur l'agriculture en Afrique subsaharienne serait «épouvantable», estime Philip Thornton, de l'Institut international de recherche sur le bétail (ILRI), dont l'étude prévoit par exemple une baisse des rendements de 50% d'ici 2090 en Afrique de l'Est sur certaines cultures. En Chine et en Inde, qui sont les deux premiers producteurs mondiaux de riz, les changements profonds de la mousson pourraient provoquer une succession rapide de saisons extrêmement sèches et extrêmement humides, provoquant des bouleversements agricoles majeurs. Quel impact sur les écosystèmes et la biodiversité, tissu vivant de la planète? «Ce serait le chaos», estime l'économiste indien Pavan Sukhdev. «Un changement complet dans la façon dont les espèces vivent et survivent», explique-t-il, mentionnant la mort pure et simple des récifs coralliens dont «500 millions de personnes à travers le monde dépendent pour manger et gagner leur vie». A +4 degrés, la montée des eaux, pourrait, selon nombre d'études, dépasser un mètre d'ici la fin du siècle. Combinée aux questions d'insécurité alimentaire, de réduction d'accès à l'eau douce et de dégradation des sols, cette hausse significative du niveau des océans entraînerait inévitablement des déplacements massifs de populations. «A +4°, on est sur plusieurs centaines de millions de personnes qui seraient contraintes de se déplacer», explique François Gemmene, de l'Institut du développement durable et des relations internationales. Dans cette hypothèse, il deviendrait impératif de faciliter les phénomènes migratoires pour «rebattre les cartes de la distribution de la population à la surface du globe», estime-t-il, mettant en garde contre «les déplacements de dernière minute et les fuites désespérées». Face à ces prédictions alarmantes, les scientifiques rappellent à l'unisson que ce scénario sombre peut encore être évité, mais qu'il faut agir très vite avec un objectif en tête: diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050.