Le groupe Dehina est accusé par les leaders d'Alger du parti dissous de vouloir faire main basse sur le parti. La direction de l'ex-FIS à Alger a démenti que le «congrès clandestin», initié par le CC-FIS à Bruxelles, ait été appuyé par Ali Benhadj et a affirmé que celui-ci «n'a, à aucun moment, donné son approbation quant à la tenue de pareille initiative», se contentant d'attendre «pour y voir clair avant de se prononcer». Cette réponse cinglante enlève, de fait, toute légitimité au congrès «suspect, douteux et opaque» tenu par le groupe de Mourad Dehina. Les initiateurs du congrès ont tenté de faire main basse sur le parti dissous depuis Genève, occultant les véritables leaders de l'ex-FIS, qui «eux seuls, restent détenteurs de la légitimité de 1989-1991, jouissant du droit de parler au nom de ce parti». Après Kébir, Boukhamkham, Ali Djeddi, Kamel Guemazi, Hachemi Sahnouni ont tenu des propos très virulents à l'encontre des congressistes qu'ils qualifient d'«illustres inconnus dont les desseins n'échappent à personne, et qui, de par la liberté du mouvement dont ils jouissent en Europe, essayent de se placer à la devanture du parti». Du coup, estime le groupe d'Alger, les résultats auxquels sont parvenus les congressistes n'engagent que leur personne, et, en tout cas, sont nuls et non avenus pour les leaders légitimes. De même que la décision de «chasser» Rabah Kébir de l'instance exécutive du FIS à l'étranger est sans fondement, car sa nomination est issue d'une concertation de la direction du FIS de 1991-1992, et doit passer par le même procédé. Ces grandes querelles des petits frères qui passent pour des luttes intestines sans effets cachent, pourtant, mal des enjeux parfois ébouriffants. En fait, c'est pratiquement la guerre entre le salafisme et la djazaâra (tendance officielle des procongressistes), avec les conséquences directes qu'elle produit sur la lutte armée, le terrorisme et ses références. Si la branche politique légitime de Kebir-Boukhamkham a soutenu la concorde civile, appuyant l'AIS à fond, les congressistes ne reconnaissent pas cette «reddition» et appuient indirectement (encore) le GIA qu'il tente d'amadouer. Ce patchwork peut sembler échapper à tout intérêt pour les autorités, mais il revêt la plus grande importance. L'islamisme, autant politique qu'armé, est en train de vivre des mutations importantes dans son évolution, et il reste de toute première instance, d'en saisir les nuances, les contours et, surtout, les retombées.