Dans un contexte particulièrement hostile à toute manifestation islamiste, le parti dissous a «réussi» le tour de force de tenir un minicongrès à Bruxelles, mettant et la Belgique et l'Algérie dans la gêne. Le minicongrès de l'ex-FIS à l'étranger ne devait pas se tenir. Mais il se tint. Voilà déjà un grave événement dont il faut saisir les implications au vol. Depuis la trêve de l'AIS, en 1997, le pouvoir avait un groupe d'interlocuteurs «discutable», composé de l'aile militaire du parti dissous et de certains politiques qui avaient soutenu la trêve et affichaient clairement leurs positions proconcorde civile. Les Madani Mezrag, Rabah Kébir, Ahmed Benaïcha, Mustapha Kertali, Abdelkader Boukhamkham et consorts étaient souples, gagnés à l'option d'apaiser les tensions, et, plus est, maîtrisaient l'art de se tenir discrets, de s'effacer de la scène. Ce qui ne sera pas facile avec la nouvelle direction du conseil consultatif issu de ce conclave belge. Les Mourad D'hina, Abdellah Anas, Kamer Eddine Kherbane, Ahmed Zaoui et consorts vont élargir le majliss echoura à d'autres radicaux qui partagent leurs opinions. On pense notamment à Mohamed Denideni, les cinq fils de Madani, aux radicaux exilés à Bruxelles, Genève, Londres et Paris, et, à ce moment, la poussée islamiste va déferler de l'Europe vers l'Algérie tel un ouragan. Car ne perdons pas de vue que, cette fois-ci, il va s'agir d'un groupe d'hommes rompus au jeu de coulisses et appuyés par les lobbyings intérieurs. Les sessions de l'ONU concernant les droits de l'Homme, les ONG et les pétitions d'intellectuels européens seront les tremplins sur lesquels vont s'appuyer ces «nouveaux promus» pour s'affirmer. A moins que le groupe d'Alger ne fasse un forcing pour faire obstruction à la démarche des congressistes. Bien sûr, les autorités belges font mine, après coup, de s'étonner et de se demander comment un tel congrès, aussi minime fût-il, a pu être organisé chez eux. Qu'importe. Les louvoiements, les manipulations et les récupérations ont, de tout temps, fait partie du jeu stratégique des services secrets. Si donc les leaders proconcordistes s'en trouvent aujourd'hui déprimés, les autorités algériennes doivent se sentir encore plus déprimées, car, vraisemblablement, la «nébuleuse bruxelloise FIS» va se radicaliser. D'un côté, elle tourne le dos à l'AIS et à l'option de la trêve, d'un autre, tout en faisant mine de désavouer les groupes armés radicaux, elle tolère un djihad qui «se défend comme il peut contre la répression». La lettre de Abassi Madani, tout en donnant de la consistance aux travaux des congressistes, met en alerte le groupe de Rabah Kébir (Boukham-kham, Ould Adda et les chefs de l'AIS) qui, désormais, n'a qu'une seule solution pour rejeter les résolutions de Bruxelles: attendre un geste de Ali Benhadj en leur faveur. Car ce dernier, beaucoup plus que Abassi Madani, reste le dernier recours et l'unique référence d'une nébuleuse atomisée et insaisissable de par les messages, souvent contradictoires, qu'elle émet çà et là. Boukhamkham estime que les résultats du congrès sont nuls et non avenus et n'engagent que leurs rédacteurs, car «il a bien été entendu que le congrès ne se fasse qu'en présence des leaders du parti, clause essentielle que n'ont pas respectée les congressistes». Il ajoute aussi que ce congrès «a déplacé le parti de la légalité de 89 et 91 à l'illégitimité de 2002 en plaçant des hommes et en destituant les leaders issus du majliss echoura de 1991». Plus circonspect, Ali Djeddi estime que «le congrès est né d'une idée émise, il y a cinq ans, par Abdelkader Hachani, mais qu'il reste très loin des aspirations de ce dernier». Concernant les résultats du congrès, et comme Kamel Guemazi, il juge qu'ils sont encore «assez imprécis, flous et opaques pour en évaluer les effets», et il affirme attendre qu'ils soient assez clairs «pour se prononcer définitivement à leur sujet». Congrès de rupture, de repositionnement, la réunion bruxelloise risque de conforter les GIA dans leur violence armée.