Lui seul pouvait, par sa position, donner une crédibilité aux uns ou aux autres. Le «groupe européen» du CC-FIS, initiateur d'un congrès à Bruxelles, a perdu sa dernière chance de gagner la «bataille des procédures». La lettre de soutien de Abassi Madani aux organisateurs du congrès de Bruxelles et la présence des fils de ce dernier, n'ont pas été d'un grand secours au CC-FIS et à sa direction, qui se pose comme continuatrice de la ligne du FIS (Mourad Dehina, Mohamed Habes et Fillali). Au contraire, la levée de boucliers des principaux leaders du FIS, parti officiellement dissous depuis le 4 mars 1992, mais qui continue à faire parler de lui, a été à ce point virulente pour faire reculer les «congressistes». Toute la «direction d'Alger» s'est affichée pour désavouer et la tenue et les résultats de ce congrès, qualifiés de «suspects» aux contours douteux, et de «démarche réductrice, belliqueuse et indicative». Abassi Madani a été taillé en pièces, et qualifié d'«aventurier incorrigible» et la présence de ses enfants pour donner une caution de légitimité au congrès a été jugée de «pouvoir califal où le père lègue ses prérogatives à ses fils». Dans tout le patchwork théologico-politique du parti dissous, restait une inconnue, ultime recours pour les deux camps: Ali Benhadj. Lui seul pouvait, par sa position, donner une crédibilité aux uns ou aux autres. Du fond de sa prison, il pouvait - il en possède la capacité - influer sur le cours des événements. Mais il n'en fut rien: selon une source autorisée et très proche de lui, sa position est de s'interdire de parler d'un congrès dont il ne connaît ni les tenants ni les aboutissants, et de se garder de cautionner quiconque tant qu'il est en prison, loin des réalités du terrain. Par conséquent, sa position est de «ne donner son appui à aucune nouvelle initiative» au nom du FIS et de «garder toutes les instances et représentations du parti dissous en l'état d'avant sa dissolution». Cette position permet aux «leaders d'Alger» (Djeddi, Guemazi, Boukhamkham, etc.) d'être en position de force face aux «élus en exil» (le groupe Dehina, Ahmed Zaoui, Anouar Haddam, etc.), et aussi joue en faveur de Rabah Kebir, président de l'instance exécutive à l'étranger. Aussi, la guerre des tendances entre l'intelligentsia de la djazaâra et les leaders de la salafiya semble tourner en faveur des seconds. Malgré tout le battage médiatique fait autour du congrès de Bruxelles (une véritable prouesse technique, organisationnelle et politique réussie par Mourad Dehina dans un contexte sécuritaire européen très hostile), le groupe Dehina aura été tenu en échec par ceux qui estiment, à Alger, être les véritables concernés par l'avenir du FIS. Le groupe d'Alger, en faisant pièce à l'initiative bruxelloise, prouve que la base islamiste se rallie aux plus représentatifs de la nébuleuse du parti dissous. Reste à savoir comment va être comptabilisée la position de Benhadj, et que fera le CC-FIS à l'issue de l'élection des nouveaux membres et du président du bureau exécutif, qui sera installé dans quelques jours. Reste à savoir, aussi, à quoi rime toute cette guerre médiatique et politique, au moment où le parti est disqualifié de l'aire d'activité légale, et ses dirigeants soumis à des restrictions politiques telles qu'elles les obligent à un effacement de plus en plus prononcé.