Apres avoir exploré son héritage musical andalou, Akim El Sikameya sort un troisième album plus personnel et intimiste, Un chouïa d'amour, un opus ou la liberté d'interprétation se confirme de plus en plus révélant un artiste complet et accompli, à la voix d'une rare beauté, composant et signant de courageux textes. Basées avant tout sur la liberté et le plaisir, ses oeuvres sont inspirées de sa philosophie de la vie et son attachement profond à ses racines ancestrales. Cet opus reste fidèle à ses origines artistiques (le goût de la mélodie, le métissage entre les cultures, la défense de l'art et de la liberté contre le pouvoir), tout en ouvrant une piste qui lui est désormais sienne. Créatif et original, Akim saura, sans aucun doute convaincre grâce à ses mélodies les amoureux de la vie et de la fête en les conviant à son univers enchanteur et enchanté. Ecoutons-le. L'Expression: D'abord, comment définissez-vous votre musique? Akim El Sikameya: Ma musique est tout d'abord arabo-andalouse-algérienne avant qu'elle ne soit métisse. Je m'explique: Je me retrouve à interpréter, à l'international, une musique hybride résultant de plusieurs styles de musiques du monde, au carrefour du flamenco, des musiques tzigane, celtique, de jazz...et dont la composante d'inspiration principale reste l'arabo-andalou. En d'autres termes, je reviens toujours au coeur de mon métier et à mes connaissances de base: le style musical arabo-andalou, autour duquel je m'efforce de créer un environnement artistique harmonieux, d'établir des passerelles et de trouver des synergies avec d'autres courants musicaux. Je continue inlassablement d'oeuvrer pour ma compréhension du mécanisme arabo-andalou et de le décoder. Cette musique, pourtant traditionnelle, est déjà métisse à mon sens: le cosmopolitisme de la population andalouse de l'époque et ses migrations ayant fait la richesse de cette musique. Mon exil, mes voyages, mon écoute éclectique et mes rencontres avec d'autres musiciens ont eu un impact certain sur ma créativité musicale, tant au niveau de la mélodie, qu'au niveau des textes où l'exil, la liberté, la tolérance sont les thèmes qui me tiennent très à coeur. Pourquoi avoir choisi cette forme de musique? Je pense qu'il n'y a pas eu réellement de choix, c'est le fruit d'une découverte presque fortuite. En effet, étant né et ayant grandi à Oran, capitale du raï, j'aurai pu devenir un musicien de raï et uniquement de raï. J'aurai pu aussi bien, étant originaire de Tlemcen, la cité andalouse, rester dans l'arabo-andalou traditionnel pour perpétuer la tradition musicale familiale que j'ai héritée de mes parents. Mais, je n'ai choisi ni l'un ni l'autre comme style de musique. La rencontre avec ma musique, si j'ose dire, s'est faite lorsque étant violoniste j'ai appris à jouer de la guitare acoustique moderne en accompagnant ma voix.Je me suis rendu compte qu'avec ma voix atypique, je pouvais m'amuser avec l'harmonie des accords de guitare, ce qui m'a permis de dégager des «voies» très intéressantes sur l'interprétation moderne de mes acquis traditionnels et ensuite sur la composition d'une manière générale. Ce fut alors le déclic pour aller vers un univers musical original et personnel. Vos influences? Mon style est à la fois hybride, contemporain, métisse, car mon oeuvre se trouve au carrefour des musiques telles que le flamenco, la musique tzigane, le jazz, la musique celtique, orientale et africaine. Ma musique embrasse toutes ces influences, solidement ancrées dans la tradition arabo-andalouse, elle-même marquée et enrichie à la mesure de son périple et de ses confrontations avec d'autres cultures et religions à travers les siècles, ce qui m'offre d'autres possibilités de renforcer davantage la richesse de mon style. Ne craignez-vous pas les réactions des conservateurs de la musique andalouse? Je suis issu de l'école arabo-andalouse traditionnelle et conservatrice de valeurs ancestrales de la musique arabo-andalouse dans toutes ses dimensions; j'y ai puisé et gardé ma philosophie d'ouverture et de tolérance face aux arts musicaux enracinés dans d'autres foyers culturels. Je rends hommage à mes maîtres de Nassim El Andalous auprès desquels mon savoir musical s'est édifié sur le mode cognitif et formel durant mes seize années de formation. Cependant, j'ai par la suite, concilié au fur et à mesure mes structures musicales de base et mon originalité. On peut effectivement poser la problématique de la conciliation du champ cognitif formel et de la sensibilité, ce qui fait l'originalité de l'artiste. Quel rapport entretenez-vous avec la World Music? J'appartiens à la grande famille dite «Musiques du monde» ou «World Music», dont j'aurais préféré inverser l'appellation par «Monde de la musique», cette confrontation de concepts méritant bien sûr, débat là aussi. Cependant, je me plie volontiers à la première appellation, me conformant sagement à la «convention du jargon» et des repères existants. Ma musique s'inscrit dans le sens du concept «World Music» dans la mesure où j'oeuvre en vue de faire évoluer le style arabo-andalou suivant le principe de nouvelles rencontres, empreint de traditions et effort permanent d'ouverture aux musiques modernes. Votre actualité ou projet en perspective. Mes projets en cours ou en perspective concernent mes représentations dans diverses villes d'Europe, d'Inde et d'Asie, alors que mon actualité artistique hors concerts, se déroule essentiellement en France et en Europe méditerranéenne Un mot sur la scène musicale algérienne qui doit vous manquer. Vos souhaits? Il me tient très à coeur de me produire dans mon pays, et les démarches entreprises dans ce sens sont en voie d'aboutir.