La décision prise par les autorités françaises de classer l'Algérie «pays à risque» a, paraît-il, convaincu les autorités algériennes que l'époque des relations «passionnées» est révolue. Entre l'Algérie et la France, il n'y a pas de divorce, ni de refroidissement dans les relations bilatérales. Cela même si les dossiers qui fâchent ne cessent de s'accumuler. Le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci a révélé, lundi soir, la nouvelle vision que porte l'Algérie à ses relations avec la France. Désormais, on parle «d'intérêts». Et quand les intérêts priment, nous avons droit à un discours diplomatique tout à fait innovant de la part des autorités algériennes. «Nous avons des intérêts économiques dans différents domaines avec la France et il y a aussi notre communauté qui a besoin d'améliorer ses conditions d'existence», a-t-il suggéré lundi soir lors de son passage à l'émission Question d'actu diffusée sur Canal Algérie. La décision prise par les autorités françaises de classer l'Algérie «pays à risque» et d'imposer par là même à ses ressortissants des contrôles «discriminatoires» aux niveau des aéroports français ont, paraît-il, convaincu les autorités algériennes que l'époque des relations «passionnées» est révolue. Signe que cette page est bel et bien tournée, c'est l'aveu du chef de la diplomatie algérienne qui a fait savoir que l'Algérie a appris la mesure par voie de presse. «Je voudrais dire à notre communauté à l'étranger, notamment celle établie aux Etats-Unis et en France, que les décisions prises par chacun des deux pays ne résultent pas de négociations avec l'Algérie et que ces mesures ont été prises sans consultation aucune de l'Algérie, pays pourtant ami», a, par ailleurs, affirmé M.Medelci. «Nous avons appris cela par voie de presse et nous avons réagi par voie diplomatique», a-t-il ajouté. L'Algérie souhaite que la page soit tournée. Lundi, Medelci a laissé entendre que dans les coulisses diplomatiques, la situation évolue. «Nous veillerons à ce que notre pays puisse être considéré comme crédible, qui règle ses problèmes de sécurité mais qui n'a pas de leçons à recevoir», a-t-il insisté. Ce dernier a affirmé que s'agissant de la sécurité aéroportuaire, l'Algérie a été toujours considérée comme un pays particulièrement performant et l'aéroport d'Alger comme un des aéroports les plus sûrs. La diplomatie algérienne adopte un discours plus réaliste moins populiste et laisse la porte ouverte au «dialogue.» L'Algérie attend de la France que son message diplomatique soit perçu et les responsabilités de ceux qui ont pris ce type de décisions établies, et reconnues comme étant en contradiction avec la volonté de régler les problèmes «et que ces dispositions étaient très inamicales envers un pays pourtant ami». Le populisme banni du discours diplomatique Le dialogue, est le moyen adopté pour résoudre les dossiers «qui fâchent». Medelci cite ceux liés, notamment à l'investissement français en Algérie et les essais nucléaires français dans le Sahara algérien, qui font l'objet de groupes de travail conjoints. Il a espéré que les groupes de travail puissent réaliser des avancées avant la visite du ministre français des Affaires étrangères, M.Bernard Kouchner à Alger dans les semaines à venir. Une visite, rappelons-le, prévue en janvier puis reportée pour le mois de février. S'agissant de l'UPM, Medelci a exprimé le voeu qu'en 2010 un certain nombre de projets puissent voir le jour dans ce cadre. L'Algérie souhaite sortir des «contingences politiques», pour avancer dans ce projet. «L'Algérie a toujours encouragé la réalisation de projets concrets dans l'espace sous-régional dans l'intérêt des populations et de la région de la Méditerranée.» Abordant les relations algéro- américaines, le ministre des Affaires étrangères a réitéré sa condamnation des mesures prises par les Etats-Unis pour singulariser certains pays. Il a affirmé que cette gestion «discriminatoire, qui concerne notre pays de surcroît, ne peut être acceptée par l'Algérie». Le ministre est également revenu sur sa visite effectuée dernièrement aux Etats-Unis à l'invitation de la secrétaire d'Etat américaine, Mme Hillary Clinton, indiquant qu'elle a été l'occasion pour évaluer la coopération bilatérale économique et commerciale, précisant que le niveau des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 20 milliards de dollars. Au sujet de l'Union du Maghreb arabe (UMA), il rappelle que lors de la dernière réunion de Tripoli, qui a regroupé les ministres des Affaires étrangères des pays de l'UMA, et à la demande de l'Algérie, l'idée de créer une communauté économique maghrébine «est en train de faire son chemin». Au sujet du Sahara occidental, il a souligné que cette question est un «vrai problème de décolonisation», insistant que «tant que la possibilité n'a pas été donnée au peuple sahraoui de s'exprimer sur son avenir, le problème restera». Evoquant l'immigration clandestine, le ministre a souligné qu'entre 1500 et 2000 sans-papiers algériens sont rapatriés annuellement d'Espagne depuis 2002. Medelci a indiqué que l'Algérie et l'Espagne sont liées depuis 2002 par une convention permettant le retour des sans-papiers reconnus comme étant des Algériens. Il expliquera le phénomène des harraga par les difficultés rencontrées par les jeunes Algériens pour voyager légalement en Europe. «Les jeunes qui partent cherchent à découvrir d'autres pays et à vivre de nouvelles expériences», a-t-il dit. Pour Medelci, ce n'est pas la pauvreté et le désespoir qui poussent les jeunes à hypothéquer leur vie en pleine mer pour regagner l'Europe. Il a, dans ce contexte, plaidé pour une amélioration des conditions de circulation des personnes entre l'Algérie et l'Europe. Interrogé sur la résolution 1904 adoptée récemment par le Conseil de sécurité de l'ONU sur proposition algérienne incriminant le paiement des rançons aux preneurs d'otages, M.Medelci a souligné que l'argent est un élément «extrêmement important» dans le développement du terrorisme.