«Au moins dix années de travail nous attendent en Haïti», a déclaré, à Montréal, le Premier ministre canadien, appelant les «pays amis» de l'île à s'«investir sur le long terme». Une conférence internationale sur l'aide à Haïti se tiendra en mars à New York, ont décidé les participants lundi à une réunion d'urgence à Montréal, où le gouvernement haïtien a demandé un soutien «massif» et affirmé sa souveraineté sur son pays après le séisme dévastateur du 12 janvier. Le bilan final de la catastrophe pourrait atteindre 150.000 morts, selon le ministre haïtien de la Santé, Alex Larsen, qui a précisé que 90.000 cadavres avaient déjà été dénombrés. «Au moins dix années de travail nous attendent en Haïti», a déclaré à Montréal le Premier ministre canadien, Stephen Harper, appelant les «pays amis» d'Haïti à s'«investir sur le long terme». Le Premier ministre, Jean-Max Bellerive, a affirmé haut et fort que l'Etat haïtien jouerait un rôle central de coordination dans la distribution de l'aide et qu'il n'avait pas l'intention de céder une part de sa souveraineté à qui que ce soit. «Le gouvernement (haïtien) n'a pas demandé un seul sou pour l'instant, car nous n'avons pas terminé notre travail d'évaluation des besoins», a-t-il dit devant la presse. «Nous nous sommes mis d'accord aujourd'hui (lundi) sur les principes-clés qui vont guider notre effort, dont notamment le rôle dirigeant du gouvernement d'Haïti et une coopération étroite au sein de la communauté internationale», a déclaré la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, à l'issue de la rencontre. Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a également souligné que l'intervention internationale n'avait pas pour objectif d'«occuper» Haïti. Mais parmi la population haïtienne, cette conférence suscitait un optimisme mesuré. «Je préférerais que l'aide passe entre les mains des étrangers et des ONG, je n'ai pas grande confiance dans les leaders du pays: ce n'est pas la première fois qu'il y a des dons et il y a toujours eu une mauvaise gestion», a dit Barbara, une banquière de 30 ans, qui préférait taire son nom de famille. «Les Occidentaux sont venus nous aider: c'est extraordinaire, mais cela ne va pas durer. Au lieu de nous donner le poisson, qu'ils nous apprennent à le pêcher», suggérait un pasteur évangéliste, André Muscadin. L'urgence pour les sinistrés, qui seraient un million selon les autorités, c'est de pouvoir boire, manger et s'abriter dignement. Depuis le séisme, les rescapés ont l'impression de ne rien voir venir de l'aide des pays donateurs. Dans les camps de bric et de broc de la capitale, toutes les personnes interrogées disent qu'elles ont faim. Personne ne sait où sont les points de distribution d'eau et de nourriture. Aucun vrai grand camp de tente n'a été installé. En province, où des centaines de milliers de personnes se sont réfugiées, les familles d'accueil doivent se débrouiller seules. Selon l'ONU, 235.000 habitants de Port-au-Prince ont profité de l'offre de bus gratuits du gouvernement pour gagner des camps hors de la capitale. D'autres encore sont partis par leurs propres moyens. La directrice du Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU, Josette Sheeran, a lancé lundi à New York aux armées des Etats membres un nouvel appel à la fourniture d'éventuels surplus de rations militaires fournies à leurs troupes. Elle a indiqué que le PAM avait «quasiment épuisé toutes ses réserves» de repas prêts-à-manger. Les autorités haïtiennes affirment disposer de 400.000 tentes familiales pouvant accueillir entre cinq et dix personnes et ont réclamé lundi l'envoi urgent de 200.000 autres tentes avant le début de la saison des pluies, ainsi que 36 millions de rations alimentaires pour nourrir 1,5 million de personnes pendant deux semaines. Sur fond de répliques encore quotidiennes et de pillages, souvent dispersés à coup de feu par la police, le chef de la mission de stabilisation de l'ONU en Haïti, Edmond Mulet, a affirmé avoir d'énormes besoins en personnel, soldats, essence et véhicules. Dans tout le centre-ville, on entendait lundi des coups de feu sporadiques, tandis qu'ici et là, des jeunes gens couraient les bras remplis de ce qu'ils avaient pu trouver: tissus, boissons, vêtement...