Alors que Nicolas Sarkozy s'accroche désespérément à la burqa, son adversaire déclaré pour la présidentielle de 2012 prône des relations plus apaisées entre Alger et Paris. On pensait que la question de la signature d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie était définitivement enterrée, du moins sous l'ère Sarkozy. Ne voilà-t-il pas qu'elle ressurgit du plus profond d'une banlieue fortement marquée par la diversité de sa population et en plein débat sur l'identité française. En plein coeur d'un quartier populaire. La question fuse sans détours de la part des jeunes journalistes de Bondy Blog (Faïza Zerouala, Widad Kefti, Nadia Moulaï et Antoine Menusier): «Etes-vous favorable à la signature d' un traité d'amitié entre la France et l'Algérie?» La réponse de celui qui a incarné l'opposition de la France à la guerre en Irak tombe, dénuée de tout complexe: «Je crois que le temps est venu de tourner une page dans les relations entre la France et l'Algérie. Ce traité d'amitié serait le moyen de regarder résolument vers l'avenir. Nous avons eu dans les dernières décennies beaucoup de sujets de confrontation, et c'est avec force qu'il nous faut unir maintenant nos volontés pour écrire une nouvelle histoire.» L'entretien accordé par l'ex-Premier ministre de Jacques Chirac le 19 janvier 2010 au Bondy Blog, un média en ligne créé le 25 novembre 2005 dans la foulée des manifestations qui ont touché les banlieues françaises, s'est aussi articulé autour des relations tumultueuses qu'entretiennent Alger et Paris, depuis l'accession de l'Algérie à son indépendance. Des sujets qui fâchent et que l'actuel chef de l'Etat français ne veut nullement entendre. Est-ce pour cette raison que la plupart des médias de l'Hexagone, qui ont commenté la virée de Dominique de Villepin dans cette ville emblématique des banlieues françaises, ont soigneusement évité de rapporter les commentaires du plus dangereux rival de Sarkozy à l'élection présidentielle de 2012 concernant les difficiles relations entre les deux pays? L'interview réalisée par de jeunes journalistes de Bondy Blog issus pour certains d'entre eux de l'immigration, a été menée de main de maître. Un peu comme pour crever cet abcès qui mine et empêche la mise en oeuvre de rapports décomplexés et harmonieux entre les deux rives de la Méditerranée. C'est au cours d'une visite qu'il a effectuée mardi dernier à Bondy, ville située dans la banlieue nord-est de Paris, que Dominique de Villepin a affiché ses ambitions présidentielles, mais aussi les futures relations qu'il compte instaurer entre la France et le Maghreb, particulièrement l'Algérie, cette partie si spécifique de la terre d'Afrique, au cas où les Français décideraient de le conduire et l'installer au Palais de l'Elysée. Cette première étape aurait pu tourner à son désavantage. Bondy fut le théâtre, au même titre que plusieurs villes françaises, de violentes manifestations en octobre 2005. Elles se sont déclenchées le 27 octobre à Clichy-sous-Bois après que deux jeunes, poursuivis par des policiers, se soient réfugiés dans l'enceinte d'un poste de source électrique où ils périrent électrocutés. S'ensuivirent vingt et une nuits d'émeutes qui se sont soldées par 9193 véhicules incendiés.Dominique de Villepin, Premier ministre à l'époque, a dû déclarer l'état d'urgence le 8 novembre 2005. La population ne lui en a pas tenu rigueur, au contraire de Nicolas Sarkozy qui avait déclaré son intention de nettoyer les banlieues au «Kärcher» et qui n'y a plus remis les pieds depuis. L'ex-Premier ministre du gouvernement Chirac a pu tester sa popularité. A la cité du 14-Juillet il fut accueilli par des youyous, des gâteaux orientaux et du thé à la menthe. Une réception aux senteurs maghrébines qui tranche avec un débat sur l'identité française qui a connu des dérapages racistes, stigmatisant au passage la communauté musulmane qui assiste, passive, à une polémique qui lui a été imposée. A ce sujet, il dira: «Cette visite montre que c'est un faux débat» et se désolera de l'existence d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Contrairement à Nicolas Sarkozy qui ne veut rien savoir de l'idée même de repentance à l'égard de l'Algérie et qui donne l'impression de vouloir uniquement tirer profit d'une coopération circonstancielle, Dominique de Villepin, au contraire, affiche des ambitions d'un véritable partenariat entre les deux pays et la région du Maghreb. «Avec l'Algérie, compte tenu des blessures qui ont existé entre nos deux pays, il est particulièrement important d'avoir des politiques actives. Dans le développement de l'Europe, je suis convaincu que l'Afrique du Nord, comme la Turquie, comme la Russie, fait partie de ce que j'aurais tendance à appeler un grand pôle à vocation européenne», a-t-il confié aux journalistes de Bondy Blog. Demain, Dominique de Villepin fera face au verdict qui sera prononcé dans le cadre de l'affaire «Clearstream» en attendant celui, plus lointain, des urnes en 2012 où il pourrait croiser le fer avec Nicolas Sarkozy. «Face à Sarkozy, je vote Villepin», lui a promis Mouloud, un jeune Bondynois. La banlieue annonce déjà la couleur.