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Cet écrivain des profondeurs
TRILOGIE DE SADEK AISSAT AUX EDITIONS BARZAKH
Publié dans L'Expression le 21 - 02 - 2010

Si le chaâbi coulait dans ses veines, l'écriture comme un exutoire est une mer dans laquelle notre mélancolique auteur se plaisait à nager avec délectation...
«Arracher le mot du ventre» comme écrivait Charles Peguy, ou «écrire de ses tripes» comme le désignait François Maspero. En évoquant la littérature de Sadek Aïssat, c'est cela exactement ce que l'on ressent en effet. Dans ses romans réunis sous un triptyque grâce aux éditions Barzakh, les mots de cet ancien chroniqueur de la presse et de survie surtout devenu par la force des choses, un écrivain, outre-mer, sentent la souffrance de la peine ressentie et de la tâche accomplie. Son ami Maspero le compare aussi à Kateb Yacine, ce qui n'est pas rien. Cet ancien militant du Parti communiste qu'était Sadek Aïssat, s'était réfugié en France à partir de 1991, mais ce qu'il croyait être qu'une «migration touristique» avec sa femme et ses deux filles, s'est transformée comme une évidence imposée par le destin. L'Algérie sombrait alors dans la folie. Une folie qu'il voulait conjurer par l'écriture. Et il y resta. L'Algérie au coeur, sa littérature, par dignité ou par pudeur, se tournait vers ces gens éloignés, dans la marge, désarçonnés et sans horizon fixe. Aussi, nous retrouvons dans ce livre faramineux de plus de 400 pages L'Année des chiens (1996), La cité du précipice (1998) et Je fais comme fait dans la mer le nageur (2002), autrement dit résister, prendre son souffle et foncer en tentant de braver les obstacles, clin d'oeil à un titre d'une chanson d'El Anka. Il y a de la tragédie, dans tous ces romans, mais un semblant de vie quand même. Une déchéance béante entachée d'une échancrure de lumière de.. Mais la désillusion hélas! est au bout du canon comme un rappel à l'ordre fatidique. Il y a peut-être ceux qui se plaisent à peindre le beau et ceux-là qui lui préfèrent l'enfer ici-bas. Sadek Aïssat fait partie de cette race dont la plume est gorgée comme dirait Sofiane Hadjadj dans ce livre, d' une forme «de consciencieuse mélancolie». Sadek Aïssat avait pour arme l'écriture comme exutoire afin d'épancher la solitude oppressante des damnés de la terre condamnés à errer sans but précis. Lui, écrivain des profondeurs vraisemblablement, avait entrouvert son champ de vision, comme un nageur, sa barque, un but qu'il s'est fixé immanquablement et s'est juré de ne pas lâcher, se fondre dans cet eau brumeuse de l'encre et sonder les méandres de l'âme tortueuse et torturée de l'être humain.
De l'exil intérieur
Ses livres sont accompagnés de post-it. Ses romans, il les a écrits effectivement comme cela, le premier dans le métro, la tête plongée parterre pour ne voir personne juste lui-même et sa mémoire. Outre l'écriture, Sadek Aïssat cultivait une autre passion-on se demande laquelle est la première?- la musique chaâbi. Celle-ci traverse ses trois romans en long et en large. Nuit et jour, matin et soir. Dans les rares moments de bonheur ou les plus sordides. Le chaâbi est là comme seul remède aux nuits blanches du poète Sadek. L'Année des chiens se décline sur plusieurs parties. Ce roman se présente comme une mémoire d'outre-tombe de diverses loques humaines se racontant à la première personne. Il eut l'année du tremblement de terre, des sauterelles, ainsi celle des soldats sillonnant les rues avec des chiens ou «l'autorité annonça la guerre». Et puis, la folie et la mort...Il y a ici un peu de cette agonie suicidaire que l 'on retrouve dans le recueil de nouvelles L'Homme qui n'existait pas de Habib Ayyoub. L'écriture de Sadek Aïssat est d'une beauté ravageuse. Intensément poétique. Il écrit à la page 163: «L'attente corrompt la fixité du temps et la perspective immobile des yeux plante l'oriflamme de sa forfaiture triomphante dans le corps défait des anciennes certitudes. On y puise certainement, un peu de ces lâches justifications qui nous permettent de survivre.»
Des mots (aux) d'El Anka
La Cité du précipice est encore plus horrible, rongée de douleurs et de personnages presque monstrueux, dont «Boualem Pas de Chance». Son quotidien terne est fait de monotonie et de chagrin. Il pisse dans son lit en dormant. Il est question aussi de frères dont un meurt dans un attentat. Référence aussi à octobre 1988. Tout n'est que lassitude et mortification dans cette cité qui pue la charogne et la misère. Même après le passage ensoleillé de cette jolie cousine émigrée dont une visite dans la Casbah s'est imposée par elle-meme. L'écriture poétique de cet «Indien apache» Sadek Aïssat se confirme avec un je-ne-sais-quoi de relent, de nostalgique comme ces refrains moult fois chantés par le Cardinal, Hadj Mhamed El Anka. Et puis du sang partout. Il y a Mohamed qui rêve de faire des films. Exilé à Paris, il finit par s'immoler. On y lit aussi les turpitudes de Boualem qui s'est fait emprisonner. Son frère Hamid a été enrôlé par les islamistes, puis tué. Boualam est assassiné à la sortie de la mosquée par des soldats, la chaussure dans la main. Une mort absurde. L'ouvrage est ponctué à ce moment-là d'images en noir et blanc de Sadek Aïssat. Des photos cédées par sa femme Akila Aïssat, où l'on découvre son mari, notamment avec l'écrivain égyptien, Albert Cossy, en décembre 1995, Sadek Aïssat lors d'une réunion de l'Unija ou encore dans un Centre de formation de jeunes filles à Sidi Fredj, le 25 mai 1981 aux côtés de Lucette et Bachir Hadj Ali en 1981. De la mélancolie, résigné encore dans le troisième et dernier roman, hélas de Sadek Aïssat. De la lucidité enfin? Dans je fais comme fait dans la mer le nageur, l'artiste-écrivain raconte, nous plonge dans l'enfer du foyer Sonacotra de Saint-Genièvre-des-Bois, ce «pays étranger, une zone franche qui n'appartient à aucune terre», là ou résident ces laissés-pour-compte «qui ne veulent plus rentrer chez eux, car cela fait si longtemps qu'ils n'ont plus de chez eux». Il y a aussi cet amour arraché à la vie entre ce personnage Dz qui a jeté ses papiers dans le canal et Sien, cette prostituée, de père algérien et de mère française ou vice versa-peu importe- qui nouent une passion commune pour la littérature, elle qui aime écrire mais sans y mettre une virgule comme retenant son souffle. Deux «entre-largués» dans une petite chambre humide, narguant le plafond et conversant sur Le Clézio, notamment avec le chant du Cardinal en arrière-fond. Vision d'une tendresse accablée. Et puis il y a tous ces fantômes, du passé, du présent et cette araignée comme fidèle compagne...Mais aussi la bouteille et El Anka pour toujours. Des personnages aussi sortis de l'imaginaire, d'autres bien réels qui viennent se confondre avec le réel tel Sas qui fait irruption forcément dans ces écrits. Sas, l'autre ami et compagnon de Sadek Aïssat, que ce soit en exil, en France ou au journal Le Matin. Sas signe d'ailleurs ici une belle et pathétique préface en hommage à celui qui a disparu trop tôt, juste la cinquantaine en 2005. Ce livre qui rassemble ainsi ses trois romans est aussi accompagné de tendres témoignages émouvants de ses amis et des articles à la mémoire de Abderrahmane dit Saddek Aïssat.


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