Les principales artères de la capitale vivent, elles aussi, à l'heure de la fête mondiale de la jeunesse et de l'étudiant. A l'image de cette prestigieuse rue connue pour la grande université qu'elle abrite... A 17 h déjà, les préparatifs battent leur plein. Au niveau de la librairie de l'Opu, les techniciens du Centre des loisirs scientifiques (CLS) s'affairent à installer le matériel de projection. Plus loin, les étals des exposants, de part et d'autre de la rue, étaient prêts. Portraitistes, peintres et artisans, toutes disciplines confondues, accueillent une foule curieuse. Profitant de l'aubaine, les commerçants se mettent au diapason et, à leur tour exposent leurs produits. A certains endroits, les trottoirs se transforment en terrasses. Tables et chaises dehors, les passants ont, comme par le passé, pu se rafraîchir à l'ombre des arbres. L'ambiance qui règne sur Didouche cet après-midi attire de plus en plus de monde. 20h00. La rue est décrétée piétonne. Les voitures sont détournées sur le boulevard Mohamed V, non sans quelques désagréments pour les automobilistes. Certains protesteront à coups de klaxon. Les quelques SDF, qui ont pris l'habitude de s'installer à la sortie du Tunnel des facultés, arrangent imperturbablement leurs couches à même le sol. Il fera bientôt assez noir pour commencer la projection d'une sélection de clips vidéo et ils seront aux premières loges. Musique orientale d'abord, les Dj's de la toile réserveront le reste de la soirée pour des extraits de clips de Dire Straits, Pink Floyd et Santana. Mais c'est la troupe de Zorna qui fera affluer le plus grand nombre de personnes autour d'elle. En habits traditionnels, les jeunes de la formation ont fait le bonheur des visiteurs. Un cercle s'est vite formé. Les familles sillonnent les étals, s'arrêtent pour écouter mieux. On assiste aux déhanchements des jeunes sur les rythmes effrénés que produit la formation. Plus loin, vers la Grande-Poste, une scène est installée. Casquettes, jeans amples et chemises extra-larges sont de mise. Après les réglages, place à la musique. Hip-Hop et raï s'enchaînent. Les danseurs prennent possession de l'espace qui leur est réservé. Les spectateurs s'agglutinent peu à peu pour assister aux acrobaties des danseurs. Pendant ce temps, le ciné-bus du Centre de diffusion cinématographique (CDC) offrait au public de la Grande-Poste un des films au programme. Ce jour-là, c'était Taxi II. La rue Didouche-Mourad vivra ainsi le Festival mondial de la jeunesse et de l'étudiant jusqu'à son terme. Une occasion rêvée pour entreprendre des sorties nocturnes en famille et réhabiliter, pourquoi pas, les actions de proximité qui semblent faire sortir timidement certains appareils d'Etat de leur conservatisme, quand ce n'est pas de leur léthargie. La preuve en a été fournie, récemment, à El-Madania où un public en or a bravé l'humidité pour suivre, sans discontinuer, des pans importants du patrimoine musical chaâbi. Des qassidate égrenées par quelques grands chantres comme Abdelkader Chercham, Abdelmadjid Meskoud, Mehdi Tamache, Sid-Ali Driss, Hadi El-Anka, Sid-Ali Tchekiken et une sérieuse relève qui n'attend que ce genre d'initiatives pour étaler sa manière toute personnelle de chanter et de proposer d'enivrantes ritournelles. Révélateur des capacités d'adhésion d'un public à un programme répondant valablement à ses besoins artistiques et culturels, le Festival mondial de la jeunesse et de l'étudiant a le mérite singulier de susciter une sérieuse réflexion sur l'animation culturelle. Une réflexion qui, si elle arrivait à être faite, pourrait transformer valablement et durablement la quotidienneté du citoyen. Un être dont on ne saurait réduire les aspirations aux seules préoccupations digestives, alors que sa conscience, aiguisée par ses tentatives plurielles de s'affirmer socialement, risque d'être chahutée par une absence frustrante d'un projet de société susceptible de permettre à la dynamique culturelle d'y jouer, sinon les premiers rôles, du moins celui de ciment d'un devenir radieux et prospère.