La rumeur, désormais, fait office d'arme redoutable entre les mains de ceux qui ont tout perdu. A mesure que se rapproche la date charnière du 10 octobre, les manoeuvres en tous genres tendent à se multiplier et à redoubler de vigueur et d'imagination. Ainsi, de persistantes rumeurs circulent-elles en Kabylie et dans les milieux informés algérois. Celles-ci tendent à faire croire que le Président Bouteflika pourrait décréter l'acceptation et la mise en application de l'intégralité du contenu de la fameuse plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbaâ Nath-Irathen. La rumeur, colportée avec vigueur depuis 48 heures, prête à penser, sans le dire ouvertement, que cette annonce interviendrait ce matin même, à l'occasion de la cérémonie officielle d'installation de la Commission politique de surveillance des élections locales que présidera M.Bouteflika au Palais des nations. Il est vrai que la rumeur dans notre pays fait office, bien souvent, de sources semi-officielles. Le phénomène a même eu tendance à s'amplifier depuis la prolifération des fameuses sources autorisées et des déclarations, pas toujours bien pesées, comme celles qui avaient été faites par la délégation des ârchs reçue récemment à la présidence de la République. Cette rumeur, de même que les déclarations irréfléchies faites à une certaine presse par cette délégation, ne résistent pas à une analyse objective et politiquement correcte. Une partie non négligeable, la plus importante en somme, de la plate-forme a déjà été satisfaite et mise en application. La présidence, en outre, n'ignore pas que les délégués radicaux du mouvement ne sont pas hommes à se satisfaire de cela. Développant, jusqu'à la caricature, la thèse de l'empirisme, ce mouvement revendiquerait sans nul doute plus si d'aventure sa plate-forme venait à être satisfaite. Sur un plan strictement technique et calendaire, la moindre nouvelle concession au mouvement des ârchs en ce moment condamnerait inéluctablement le vote en Kabylie. Les raisons en sont fort simples. Ce mouvement est très affaibli en ce moment. Son radicalisme, qui constituait sa principale force, semble vouloir se retourner contre lui un an et demi plus tard. Le mouvement n'arrive plus à rassembler tous les délégués. Encore faut-il ajouter qu'il ne le fait plus qu'en fin de soirée, ce qui veut dire que la plupart des délégués ont repris le chemin de la normalité, celui de la vie active. La Kabylie renoue avec le calme durable. La tendance est fortement renforcée par l'entrée en lice du FFS et la lassitude qui a fini par gagner la majeure partie de la population. Le pouvoir, conscient que le taux de participation de la région dans les élections locales du 10 octobre prochain sera décisif à plus d'un titre, ne devrait plus prendre d'initiative avant cette date. Les délégués actifs, que l'on dit proches du RCD, ont, du reste, compris cela. En témoignent leurs grandes manoeuvres visant à aller, dès septembre prochain, vers une seconde grève du cartable comme celle qui avait coûté une année blanche à la région en 1995. Ce taux, même s'il atteint les 30 ou 40%, dans une région qui a toujours très peu voté, redonnera la suprématie au parti de Hocine Aït Ahmed et le placera comme partenaire incontournable du pouvoir dans un dialogue serein et transparent visant à régler définitivement les questions qui secouent la Kabylie. Si le challenge du taux de participation ne réussit pas ou, pis encore, si le FFS se retire au dernier moment pour une quelconque raison (d'où les pressions diverses exercées par les ârchs sur les directions nationale et locales de ce parti), ce mouvement, mais aussi le RCD, reviendraient par la grande porte, cette fameuse porte ouverte sur toutes les éventualités possibles et imaginables.