Le pays compte à l'heure actuelle plus de 1.200.000 constructions inachevées. Deux années après la promulgation de la loi sur l'achèvement des constructions, aucun bilan concret n'a été établi sur l'avancement de cette opération de réorganisation des tissus urbains au niveau national. En effet, lors de la table ronde organisée hier au quotidien El Moudjahid, aucun des représentants du secteur présent à cette dernière n'a pu avancer de chiffre concret. Intervenant tour à tour, l'inspecteur général de l'urbanisme et le directeur de l'urbanisme n'ont pu faire part que de quelques estimations concernant certaines localités du pays. Ainsi, selon Makhlouf Naït Saâda, inspecteur général de l'urbanisme, «le bilan de 2010 a commencé hier, nous n'avons pas encore de chiffre global (...) mais nous détenons les chiffres de quelques wilayas». Ce dernier a précisé qu'«Alger 15.600 retraits de déclaration pour une demande de mise en conformité ont eu lieu mais seuls 3700 dossiers ont été déposés au niveau des communes». Un chiffre dérisoire par rapport au nombre de constructions inachevées au niveau de la capitale. Et pour cause, selon le directeur de l'urbanisme de la wilaya d'Alger, Djelaoui Abdelkader, pas moins de 40.000 actes d'urbanismes ont été traités par la Duch (direction de l'urbanisme de la construction et de l'habitat) depuis 2004 à ce jour. Ce dernier a expliqué ces chiffres par la nécessité de mise en place d'un nouveau dispositif relatif à cette opération. Toutefois, Abdelhamid Boudaoud, architecte urbaniste et président du Collège national des experts-architectes (Cnea), a apporté une autre lecture au faible taux d'avancement constaté dans cette opération. Selon lui, beaucoup d'obstacles, principalement d'ordre administratif, s'opposent aux propriétaires désireux de mettre leur construction en conformité avec ladite loi. «Je ne comprends pas pourquoi le propriétaire est obligé de constituer un dossier en six exemplaires!», s'est-il exclamé. Ce dernier s'est ensuite attardé sur la complexité de la situation, puisqu'au jour d'aujourd'hui, les responsabilités qui incombent à chacun n'ont pas encore été définies par les décrets d'application de ce texte législatif. Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cette question a été soulevée. Ainsi, au mois de novembre dernier plusieurs experts, responsables, représentants du secteur, se sont réunis pour débattre du même sujet. Plusieurs remarques ont alors été faites. Parmi elles, celle de la secrétaire générale du Conseil national de l'ordre des architectes, Aïcha Ouadah. Cette dernière a été très claire. «Nous ne voulons pas assumer la responsabilité d'un projet auquel nous n'avons pas été associés», avait-elle fait savoir. Avant d'ajouter qu'«il y a un éclaircissement à faire et que les décrets d'application devraient être plus explicites». Une position que le professeur Chelghoum Abdelkrim explique par le fait que cette loi reste incomplète du moment qu'elle réunit dans un seul et même groupe tous les types d'habitation. Il a ensuite expliqué que cette loi doit absolument être soumise à un débat national auquel participeront tous les acteurs concernés, notamment les architectes. Le débat devrait contribuer à dégager les responsabilités de chacun pour éviter de tomber dans le piège du séisme de 2003, a-t-il dit. «Dans cette loi, on a occulté les rôles et les responsabilités. L'administration est responsable de tout et de rien, elle a créé un décret pour se protéger (...) Le jour où on définira qui fait quoi, les responsabilités et les champs d'action de chacun, on pourra appliquer cette loi», a-t-il argumenté.