La participation du théâtre régional de Skikda, avec la pièce, mise en scène par Sonia, Devant les murs de la ville, une adaptation d'une oeuvre de Tankred Dorst, a été un des moments les plus intenses des Journées maghrébines du théâtre professionnel, qui se déroulent à Constantine. Le mur imposant improvisé sur la scène du théâtre régional de Constantine (TRC), constituant le principal décor de la pièce, a marqué, de prime abord les esprits, soulevant d'emblée moult questionnements dans les rangs des spectateurs, rapidement pris, ensuite, dans un chassé-croisé de personnages se poursuivant, se heurtant, traquant les démons de l'humanité. Rien de tel que d'affronter ses démons pour s'affranchir des barricades, car les murs les plus puissants sont en nous, a «philosophé» un spectateur au sortir du théâtre, ravi autant par la pièce que par les superbes décors signés du scénographe Abderahmane Zaâboubi. La seule constante semble être cette plongée dans les fins fonds de l'humain avec toutes ses faiblesses, dans une société remplie de diversités et dont la singularité demeure cette recherche de soi en l'autre, où femme et homme se bousculent les désirs se leurrent et finissent par s'égratigner à force d'interdits, d'ambitions et d'appétits inassouvis. Adaptée au théâtre par Khaled Bouali, la force de la touche artistique de Sonia, metteur en scène de cette pièce, a fait «exploser» les talents insoupçonnés d'une multitude de jeunes qui se sont distingués par une maîtrise et une cohérence de jeu que seuls peuvent apporter une rigueur et un investissement passionné. La jeune comédienne Nadia Laârini, dont les professionnels du théâtre ont assimilé la gestuelle jusqu'à l'appropriation du personnage au jeu de Sonia elle-même, au grand bonheur du public, d'ailleurs, a été la révélation de ce festival dans sa 10e soirée. Tant de commentaires ravis: «Le théâtre Skikdi nous a révélé une autre Sonia». Emue par un succès mérité, rendu par les acclamations nourries d'un public connaisseur, Sonia, pourtant accoutumée au succès de ses pièces, intra et extra-muros, soit en tant que comédienne (prix de la Tunisie, 1er Prix d'interprétation féminine au Festival de Carthage, en 2001), ou en tant que metteur en scène (Journal d'une insomniaque, adaptée dune oeuvre de Rachid Boudjedra), s'est dite «charmée, une fois de plus, par la magie du TRC». Le comédien Nouredine Bachekri souligne «une inclination inconditionnée de Sonia pour le 4e art». A l'évocation du nom de cette artiste constantinoise, élevée au coeur du quartier populaire de la Bat'ha, le public s'incline, dit-il «devant le talent, le sérieux et une force de position qui conduit le choix des textes et inspire le rythme du jeu». Pour beaucoup, Sonia dont l'aura envahit l'espace scénique dès la levée de rideau, doit une bonne partie de son succès à son tempérament et à sa sensibilité de femme. Chose qu'elle transpose, consciemment ou inconsciemment, dans les personnages qu'elle interprète: «Qui d'autre qu'une femme peut transcender l'état d'âme d'une femme?», réplique-t-elle. Forgée à l'école de Kateb Yacine, Benguettaf, Kaki ou encore Alloula dans Les bas-fonds de Gorki, partenaire de Ziani Chérif Ayad, Sonia estime que le recours à l'adaptation des oeuvres classiques est une «preuve de l'universalité de l'humain, de ses douleurs comme de ses joies». Revenant sur la symbolique émanant du rôle central de Houria dans «Devant les portes de la ville», Sonia souligne que «les épaules d'une femme ont toujours été tout indiquées pour porter le marasme d'une société». La femme, toujours la femme, centre de tout l'univers, incarnation de tous les maux, de toutes les extases, affaiblie, fragilisée mais pourtant, qui «sait consoler, même si elle s'y connaît aussi pour tourmenter». Installée dernièrement à la tête du théâtre régional de Skikda, Sonia loue la promotion de certains théâtres municipaux en théâtres régionaux, considérant cette démarche une «action réformatrice à même de propulser le théâtre en Algérie». Devant se produire prochainement à Alger, puis à Béjaïa, respectivement les 24 et 28 avril prochains, Sonia relève l'importance d'investir dans le théâtre. Le théâtre en Algérie, «j'y crois, j'y travaille», assure-t-elle.