Dès l'annonce de la fin tragique de Terre'Blanche, emblématique figure des défenseurs de la suprématie blanche, le président Jacob Zuma a appelé Noirs et Blancs à ne pas répondre aux provocations. Le président sud-africain Jacob Zuma doit s'engager au-delà des appels au calme s'il veut enrayer le risque de violences raciales le plus aigu qu'ait connu le pays depuis la fin de l'apartheid, après le meurtre samedi d'un leader néo-nazi, estiment les analystes. L'Afrique du Sud «est de nouveau suspendue dans un moment décisif, au bord d'un précipice: les émotions sont vives et la population divisée en deux camps extrêmes», écrit hier l'éditorialiste Raenette Taljard dans le quotidien The Times. Le meurtre de l'extrémiste blanc Eugène Terre'Blanche, frappé à mort par des ouvriers noirs de sa ferme de Ventersdorp (nord-ouest), «réclame une réponse au plus haut niveau nuancée mais ferme, qui s'engage bien au delà des simples appels au calme et à la tolérance», ajoute-t-elle. Dès l'annonce de la fin tragique de Terre'Blanche, emblématique figure des défenseurs de la suprématie blanche, le président Jacob Zuma a appelé Noirs et Blancs à ne pas répondre aux provocations. Lors d'une intervention télévisée, il a exhorté les responsables politiques de tous bords à faire preuve de «responsabilité» afin de ne pas mettre en danger l'unité de la Nation. Il a dépêché à Ventersdorp son ministre de la Police et le chef de la police nationale, tandis que les forces de l'ordre étaient déployées pour prévenir tout dérapage. Mais l'équilibre restait précaire hier, comme en témoignaient les tensions entre Blancs et Noirs dans la foule venue assister à Ventersdorp à la présentation à la Justice des deux meurtriers présumés. Le défi est de loin le plus difficile que Zuma ait eu à relever depuis son élection il y a un an, relève Siphamandla Zondi, de l'Institut pour le dialogue mondial à Johannesburg. Le président doit à la fois répondre aux peurs des fermiers blancs, dont les plus extrémistes invoquent la criminalité particulièrement élevée dans les campagnes pour se dire victimes d'une «guerre d'extermination» menée par les Noirs, tout en demeurant le champion de la cause des plus pauvres, la majorité noire qui l'a porté au pouvoir. «Le temps est venu pour Zuma de faire preuve de qualités d'homme d'Etat, au-dessus des politiques partisanes», affirme Zondi. «Il doit s'élever pour rassembler le pays.» L'atmosphère de poudrière créée par le meurtre du chef du Mouvement de résistance afrikaner (AWB), responsable dans les années 1990 d'attentats contre l'avènement de la démocratie, rappelle la colère suscitée dans l'autre camp par l'assassinat du leader communiste Chris Hani en 1993. Le Congrès national africain (ANC), mouvement de lutte aujourd'hui au pouvoir, avait alors su éviter une révolte des masses noires, sous la direction du futur président Nelson Mandela. Pour ramener le calme, l'actuel chef de l'Etat va également devoir s'adresser à son propre camp et rappeler à l'ordre le chef de la Ligue de la Jeunesse de l'ANC, Julius Malema, qui a remis au goût du jour un chant de la lutte anti-apartheid appelant à «tuer le Boer» (le paysan blanc), estiment les commentateurs de tous bords. «Zuma n'a toujours rien dit à propos de ce chant et de ses connotations raciales», souligne Susan Booysen, de l'Université de Witwatersrand. «En tant que leader, il va devoir se prononcer sans ambiguïté sur la criminalité à laquelle sont confrontées les minorités», ajoute-t-elle. L'AWB affirme que le meurtre de Terre'Blanche est directement lié à ce chant, interdit par la justice mais défendu par l'ANC, dont les paroles renforcent les peurs blanches.