Il y a trois jours, s'est ouvert à Alexandrie le procès de 101 islamistes, actifs et sympathisants, de la mouvance des Frères musulmans. Ces accusations portées à leur encontre est «trouble et agitation en vue de perturber le déroulement des élections législatives partielles» de juin dernier. Cette vague d'interpellations intervient au moment où le Maroc connaît une montée exceptionnelle de la menace terroriste, liée aux groupes fondamentalistes actifs, tels la Salafiya djihadiya, Hidjra wa tekfir, etc. Durant ces derniers jours, la presse du royaume chérifien n'a pas cessé de mettre en garde contre les dangers de l'intégrisme, et les autorités marocaines ont procédé, en fin de semaine, à la fermeture de plusieurs librairies islamistes, soupçonnées d'encourager la littérature djihadiste. Dans sa dernière livraison, Libération, organe de l'Union socialiste des forces populaires (USFP, du Premier ministre Abderahmane Youssoufi) estime que le danger intégriste est réel, et accuse les autorités de vouloir «minimiser les dangers du fléau». Cette panique, qui semble s'être emparée subitement de la presse marocaine, intervient après les révélations fracassantes d'activistes islamistes faisant état de l'assassinat de près de 150 citoyens marocains par son organisation d'obédience «Salafiya djihadiya». Et, réellement, sur la base de ses aveux, beaucoup de cadavres ont été retrouvés, dans diverses villes marocaines, et une bonne vingtaine d'activistes, liés à cette organisation, ont été immédiatement arrêtés. Déjà, des mesures ont commencé à toucher les secteurs «jugés contagieux». Plusieurs imams ont été interdits de dispenser des cours, après que la presse eut parlé de «50% de mosquées qui échappent totalement au contrôle de l'Etat». Mais déjà une précipitation dans ce dossier très épineux est constatée, et commence à avoir des «effets contraires». Beaucoup de citoyens, en effet, pensent que cette «campagne restrictive menée tambour battant est une tentative de diversion destinée à occulter les échecs du roi à mener à terme les réformes sociales prévues». La «vague verte» tunisiennes ne s'est pas aussi effacée que certains le pensent. Depuis que la nouvelle chaîne de télévision El-Moustaqila a commencé à émettre à partir de Londres, les apparitions de Rachid Ghannouchi se font plus fréquentes et ses critiques envers les autorités tunisiennes plus virulentes. Mais, pire que Ghannouchi, leader du mouvement Nahda, qui avait mis en péril le pouvoir tunisien, à partir de 1986-87, ce sont paradoxalement, les ouvertures sociales et politiques qui risquent de désarticuler les autorités du pays. En effet, et sans la poussée des ONG humanitaires, et des ligues des droits de l'Homme, la Tunisie sera contrainte d'assouplir les mesures contraignantes qui balisent et ceinturent la vie publique dans le pays. Et c'est, justement, le moment que choisira la mouvance islamiste pour porter le danger de la contestation au-devant des autorités du pays. Car plus que les mouvements de gauche, c'est bien la mouvance islamiste radicale qui représente une réelle menace, malgré son «effacement chronique», dû principalement à la vague de répressions qui s'est abattue sur elle au début du mandat de Ben Ali et les mesures draconiennes qui ont suivi. Le même constat est à faire sur la Libye, à une nuance près, et qui fait que Kadhafi n'a jamais eu de comportement définitif et cohérent vis-à-vis de la mouvance islamiste. Peut-être est-il même intéressant de rappeler qu'entre 1994 et 1996, il était prêt à établir des relations directes et privilégiées avec le GIA en Algérie. Calcul du moment ou tentative de faire le dos rond devant la mouvance islamiste locale? On n'en sait rien... Ce qui est établi, sur la base des signes qui s'inscrivent ici et là, c'est que la contestation politique au nom de l'Islam commence, de nouveau, à agiter les pays maghrébins. Et si on pense qu'à la faveur des événements du 11 septembre 2001 la lutte antiterroriste, en terre maghrébine, sera plus facile, c'est un piège fait de simplisme et de schématisation et qu'il faut se garder d'adopter. Comme il faut se garder d'adopter un comportement fait de répression systématique, car c'est la radicalisation de la mouvance, suivie de la répression de l'Etat, qui fait gagner de nouveaux sympathisants aux radicaux. Au contraire, il ne faut pas que le contexte actuel serve de prétexte pour réprimer aveuglément, alors que les problèmes de fond sont largement occultés. A trois jours de l'ouverture de la conférence des chefs d'Etat africains sur la lutte antiterroriste, il y a lieu de s'interroger sérieusement, et de façon démocratique, sur les solutions à apporter, et pour longtemps, pour cette «excroissance pathologique» de l'Islam, et qui est l'islamisme politique violent.