Les Etats-Unis, appuyés par l'OTAN et l'Europe occidentale, vont radicalement changer d'option de lutte antiterroriste et resserrer les rangs face à une menace transnationale. Les pays arabes suivent ce processus et les observateurs se demandent quelle sera la place de l'Algérie dans ce repositionnement. Longtemps isolée avec un discours appelant à la solidarité internationale en matière de lutte contre le terrorisme transnational et transfrontalier, Alger a été à l'avant-garde de la mobilisation internationale sans être suivie. Depuis 1992 et l'émergence d'un terrorisme d'essence islamiste en Algérie, politiques et militaires algériens n'ont cessé de répéter à leurs interlocuteurs européens et américains que si cette menace est agissante en Algérie, provoquant plus de 100.000 morts, aucun pays au monde ne peut prétendre être à l'abri des commandos islamistes et des attentats terroristes. Que ce soit au sein des Nations unies à New York même où l'Algérie, aidée par la Turquie, l'Egypte et la Russie confrontée aux milices tchétchènes, que ce soit au sommet de Charm El- Cheikh en présence des puissants de ce monde, que ce soit lors des discussions politiques et sécuritaires avec les partenaires de l'Union européenne, que ce soit par le biais d'organisations spécialisées telles que l'OTAN, Interpol, au sein de la coordination des services de renseignements, le discours algérien n'a pas varié d'un pouce durant dix ans sur les dangers du laxisme européen face aux bases arrière islamistes ou la permissivité américaine face aux organisations islamistes internationales. Il aura fallu les attentas du WTC et du Pentagone pour que les Etats-Unis, suivis par des Européens inquiets, prennent la mesure exacte d'une menace terroriste qui n'épargne personne. Empêtrés dans une approche ambiguë du drame algérien, suscitant des doutes sur les auteurs des attentats qu'Alger ne cessait d'attribuer aux islamistes radicaux, l'Europe ménageait les factions terroristes présentes sur son territoire pour ne pas être ciblée dans les pays arabes. L'Algérie engrangeait, au même moment, une expérience incomparable en matière de lutte antiterroriste. Police, Gendarmerie, ANP, DRS, groupes de Patriotes... Aucun pays occidental n'est en mesure de reprocher à Alger de n'avoir pas fait le nécessaire afin de prévenir cette menace, en Europe par exemple, ou de contribuer à sensibiliser ses partenaires, offrant, souvent, son aide sans une contrepartie concrète. Ce fut le cas lors des attentats parisiens du GIA lorsque les services de renseignements algériens ont aidé, dans le cadre de l'opération « Selim » menée par la DST contre les réseaux Kelkal et Bensaïd, à débusquer les réseaux dormants et à faire réussir le coup de filet anti-islamiste. Ce fut le cas également lorsque les alertes sur la présence d'un commando islamiste venant d'Afghanistan, via la Bosnie, s'était infiltré en France, une information transmise aux services français et qui ne fut pas prise au sérieux par méfiance à l'égard des Algériens. Ce fut le cas aussi par la coopération que voulait mettre en place la sécurité algérienne avec les Britanniques qui «couvaient» des réseaux du GIA et du Gspc en plein coeur de Londres. Ce fut le cas, enfin, de la coopération intensive avec les Américains dans le cadre de l'affaire Ressam et l'arrestation de Abdelmadjid Dahoumene au niveau sécuritaire et judiciaire et qui a permis au FBI de resserrer l'étau sur une organisation opérant sur le sol américain et de remonter à l'un des cerveaux de cette affaire, l'Algérien Abou Doha réfugié à Londres. Avec l'accélération des événements, la décantation paraît simple pour les Occidentaux. Plusieurs pays arabes seront sollicités par George W.Bush afin de remonter les filières de cet attentat dont l'Egypte, la Jordanie et l'Arabie Saoudite. L'Algérie, qui a regroupé entre 1992 et 1996, un concentré explosif de l'intégrisme sur son sol, arrêtant notamment des anciens d'Afghanistan de différentes nationalités dont tunisienne, marocaine, libyenne, éthiopienne, égyptienne ou yéménite, possède une expertise inestimable en matière de lutte contre le terrorisme. Les militaires algériens comptent dans leurs rangs des officiers qui par la force de la pratique sur le terrain sécuritaire et de confrontation aux techniques terroristes, comptent actuellement parmi les plus expérimentés au monde et sont, dans le domaine hors théorique, d'un niveau international. Le Président Bouteflika l'a, d'ailleurs, rappelé, lors de son message de condoléances à Bush, encore une fois, sur la nécessité de réunir toutes les énergies pour venir à bout d'une hydre terroriste qui ne fait pas de distinguo.