Les Etats-Unis sont sur tous les fronts: Al-Qaîda et l'Irak. Sont-ils en train de mettre en pratique leur doctrine de la victoire dans deux conflits? Coup sur coup, des éléments et une cellule dits «terroristes» affiliés, en apparence du moins, à la mouvance islamiste d'Al-Qaîda ont été démantelés au Pakistan et aux Etats-Unis, donnant aux observateurs et analystes du phénomène terroriste, matière à réfléchir sur cette soudaine réussite de la lutte mondiale qui est engagée contre ce dernier. C'est que, depuis une année, les services de sécurité et de renseignements américains (CIA, FBI, NSA) se plaignaient en privé du manque de résultats dans leurs investigations et autres enquêtes sur ce qu'ils appellent «le terrorisme islamiste international» et sa manifestation concrète les fameux réseaux d'Al-Qaîda dirigés, selon eux, par Oussama Ben Laden et ses lieutenants.Puis, sans coup férir, le jour même de l'anniversaire des attentats antiaméricains du 11 septembre 2001, ces mêmes services et leurs relais dans le monde annoncent des succès spectaculaires dans leur traque des éléments présumés impliqués dans ces événements. Le tout sur fond d'une volonté implacable et publiquement affichée depuis quelques jours, d'impliquer par tous les moyens, y compris des preuves contestables, un pays arabe théoriquement laïque, dans cet énigmatique terrorisme international. Ainsi, dans le cadre de la guerre mondiale américaine contre le terrorisme, les services de sécurité et de renseignements pakistanais ISI (Inter Service Intelligence) appuyés par les agents de la CIA et du FBI dont une centaine opèrent dans ce pays, ont capturé à Karachi, après une bataille armée de plus de quatre heures qui a fait deux morts et une dizaine de blessés, deux personnes dont un certain Ramzi Ben Al-Shaïba, un Yéménite de 30 ans présenté comme l'un des principaux organisateurs des attentats du 11 septembre 2001 qui ont visé les symboles du pouvoir politique et militaire américain. Le président pakistanais, le général Pervez Musharref en personne, qui est totalement impliqué dans la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme, a indiqué que sur les dix personnes arrêtées figurent «un Egyptien, un Saoudien et huit Yéménites». Autrement dit, aucun Pakistanais ne fait partie de ce groupe anéanti. Presque en même temps, et à des milliers de kilomètres de là, les autorités américaines ont curieusement annoncé avoir découvert et démantelé ce qu'elles ont appelé une «cellule terroriste» dormante à Buffalo dans le nord de l'Etat de New York, où elles ont arrêté cinq Américains d'origine yéménite qui se sont rendus dans un camp d'entraînement afghan avant les attentats du 11 septembre 2001. Selon le vice-ministre de la Justice américain, Larry Thompson, les cinq individus arrêtés «ont été accusés d'avoir fourni un soutien matériel (au réseau) Al-Qaîda». Mais les autorités américaines ont précisé cependant qu'elles ne disposaient pas d'informations indiquant que les présumés suspects préparaient d'éventuels attentats à New York ou ailleurs aux Etats-Unis. «Nous ne connaissons pas bien les intentions des personnes inculpées aujourd'hui, et notre enquête continue» a été obligé de reconnaître le directeur du FBI, Robert Muller. Comme quoi, on est, dans ce surprenant cas de figure, en présence d'un véritable procès d'intention, non pas celui inhérent à une quelconque plaisanterie sur ce sujet, mais bien dans une authentique poursuite judiciaire avec possibilité de lourde peine basée uniquement sur l'intention de la personne incriminée. Il est vrai que, depuis l'arrivée des faucons républicains au pouvoir à la Maison-Blanche, toutes leurs initiatives politiques, économiques, environnementales ou diplomatiques étaient empreintes de tâtonnements, d'incohérences et de contradictions flagrantes qu'ils veulent, de surcroît, imposer au reste du monde. Et les contre-attaques de l'empire américain en matière de lutte contre le terrorisme international ne font pas exception. En effet, en parallèle avec cette prétendue et fluctuante lutte antiterroriste, les responsables de Washington ne savent plus sur quel pied danser dans leur traitement du dossier irakien, puisque d'un côté, et selon la très inflexible conseillère pour la sécurité nationale auprès de la Maison-Blanche, Condoleezza Rice, «l'Irak a clairement des liens avec le terrorisme, y compris Al-Qaîda», a-t-elle clamé sur la chaîne de télévision américaine Fox. En revanche, sur une autre chaîne, la NBC, et le même jour, l'ancien conseiller américain pour le même département de la sécurité nationale américaine et principal stratège US lors de la dernière guerre du Golfe, Brent Scowcroft, a déclaré, lui: «Je présume qu'il (le président Saddam) se trouve sur la liste de Ben Laden des personnes à exécuter.» Il reste que la guerre que veut mener la première puissance du monde à l'Irak coûterait la bagatelle de 100 à 200 milliards de dollars, selon Lawrence Lindsay, principal conseiller économique de l'exécutif américain. Quant à savoir qui payera cette énorme facture, l'économie mondiale est régie par des règles telles que les dépenses de cette folie seront prises en charge par ceux-là mêmes qui ont financé jusqu'ici les guerres de l'empire américain: les Etats vassaux.