Soumis à une forte pression internationale, Israël a finalement annoncé la création d'une «commission publique indépendante», avec participation étrangère, comme le demandait Washington. Cette commission israélienne aura pour mission d'«enquêter sur les aspects relatifs à l'action entreprise par l'Etat d'Israël pour empêcher des navires d'atteindre les côtes de Ghaza», selon un communiqué du bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Elle sera dirigée par un juge en retraite de la Cour Suprême israélienne, Yaakov Tirkel, 75 ans, et comprendra deux «observateurs» étrangers: Lord Trimble, ancien chef du Parti unioniste d'Ulster (protestant) et prix Nobel de la paix 1998, et Ken Watkin, un ex-avocat général de l'armée canadienne. «Etant donné les aspects internationaux uniques de l'incident, il a été décidé de nommer deux observateurs étrangers de stature internationale dans les domaines du droit militaire et des droits de l'homme», stipule le communiqué. Toutefois, leur mandat sera limité: ils n'auront même pas le droit de voter sur les travaux et les conclusions de la commission. Israël a catégoriquement rejeté le principe d'une mission d'enquête internationale. Le 31 mai à l'aube, la marine israélienne avait intercepté dans les eaux internationales une flottille chargée d'aide qui tentait de «briser» le blocus de la bande de Ghaza imposé par Israël depuis 4 ans. De violents affrontements avaient opposé les commandos d'élite israéliens aux militants pro-palestiniens sur le navire amiral de la flottille, le ferry turc Mavi Marmara, faisant 9 morts, de nationalité turque, et des dizaines de blessés. L'opération «Brise marine» a déclenché une profonde crise diplomatique entre Israël et la Turquie, et suscité l'indignation et les condamnations de la communauté internationale. Elle a surtout accentué la pression sur l'Etat hébreu pour qu'il allège son embargo contre la bande de Ghaza où la situation est, selon la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, «inacceptable». La commission publique, qui pourra auditionner «n'importe quelle personne ou organisation», se penchera sur «les raisons sécuritaires à l'origine de l'imposition du blocus maritime de Ghaza et la conformité de ce dernier au droit international», explique le communiqué. De même, elle vérifiera si l'arraisonnement du 31 mai pour appliquer le blocus maritime a respecté la législation internationale. Enfin, elle «examinera les actions des organisateurs et des participants de la flottille, et établira leurs identités». Israël a accusé les passagers de la Flottille de la liberté d'avoir «déclenché les violences», et pour certains d'être liés à des «organisations terroristes». Attendue depuis des jours, la décision, annoncée tard dimanche soir, survient après des négociations apparemment ardues avec l'administration Obama. Il reste à voir si elle satisfera la communauté internationale. Les Etats-Unis avaient estimé qu'une «présence internationale» au sein de la commission «conforterait la crédibilité» de l'enquête. Dimanche, Washington, qui a qualifié le geste d'«important pas en avant», a souhaité que ses travaux soient terminés «rapidement» et ses conclusions présentées à la communauté internationale. Mais, alors que le gouvernement Netanyahu attend avant tout d'une telle commission une justification légale et à posteriori du raid controversé, les médias et des juristes israéliens l'ont critiquée avant même sa naissance, la jugeant «peu crédible». Un ancien ministre de la Justice et juriste reconnu, Amnon Rubinstein, a ainsi affirmé que «de même qu'il existe du café sans caféine, il existe des commissions d'enquête sans enquête». Le Yediot Aharonot, le quotidien le plus vendu du pays, titrait dès la semaine dernière sur une «commission light». «Ce ne sera pas une commission d'enquête, cela se résumera au mieux à un séminaire docte sur des questions de droit international», estimait son éditorialiste.