Hosni Moubarak vient de nommer son fils Gamal à un poste important (secrétaire à l'orientation politique) du parti au pouvoir, le Parti national démocratique (PND), faisant ainsi du jeune Moubarak pratiquement le dauphin à sa succession, confirmant, dans le même temps, les rumeurs qui circulaient ces derniers jours au Caire. Evoquant cette nomination, M.Moubarak, l'a justifiée par «l'élargissement de la participation des jeunes à la vie politique» arguant que cela constituait «une garantie» pour une «passation fluide des responsabilités d'une génération à l'autre». Certes! Mais, il se trouve qu'aujourd'hui le «numéro 2» de facto du parti au pouvoir en Egypte n'est autre que le fils à son père, auquel «papa» a ouvert largement les avenues du pouvoir. Cette propension des dirigeants arabes à faire de leurs rejetons leurs virtuels héritiers du pouvoir devient autant pathologique, que le principe le mieux partagé dans les pays arabes, qui n'en finissent pas de revenir en arrière, au moment où, partout ailleurs dans le monde, la démocratie et les droits citoyens progressent. Ce qui, au départ, pouvait apparaître comme une lubie d'un dictateur, en mal de laisser son empreinte derrière lui, est ainsi en passe de devenir la règle. Hafez Al-Assad, mourant, a transmis le flambeau à son fils Bachar Al-Assad, qui le remplaça à la tête de l'Etat syrien. Oudéi Saddam Hussein, Seif El Islam El-Gueddafi, Gamal Moubarak, heureux héritiers, piaffant dans leur starting-block, sont assurés de succéder à terme à leurs illustres géniteurs, qui, pour certains d'entre eux, exercent le pouvoir depuis plus de trois décennies. Voilà donc Hosni Moubarak qui, à son tour, intronise son fils et l'introduit dans la filière du «dauphinat». Pourtant, Hosni Moubarak, dictateur certes, mais, dit-on, dictateur soft et éclairé, avait donné l'impression de se placer au-dessus de ces jeux de sérail. Mais21 ans de pouvoir absolu, cela vous change un homme et vous rétrécit l'horizon à sa seule personne. Le pouvoir corrompt, car celui qui y a goûté n'est plus près d'y renoncer, et celui qui l'exerce ressent l'irrépressible besoin de poursuivre son ministère à travers sa descendance. Saddam Hussein et Hafez Al-Assad ont été les tout premiers à préparer leurs aînés Oudéi Saddam Hussein et Bassel Al-Assad (ce dernier est mort en 1995 dans un accident d'avion, ce qui obligea le président syrien de ramener son second fils Bachar qui faisait des études de médecine à Londres) à assumer un jour le pouvoir. Lorsque dans les années 80 le dictateur haïtien «Papa Doc» Duvalier laissa la charge de l'Etat à son fils «Bébé Doc» Duvalier, le monde se gaussa, mais estima que c'était une simple péripétie de l'histoire. Quand le secrétaire perpétuel du parti communiste nord-coréen Kim Il Sung désigna son fils Kim Jong Il pour prendre la relève cela devenait plus sérieux. Comment?! Une dynastie communiste? Cependant ces dérives dynastiques donnèrent des idées à des potentats arabes qui ne tardèrent pas d'exploiter un filon qui leur permet de se perpétuer à travers leurs fils. Ainsi, quatre héritiers de dirigeants arabes, par le seul vouloir et pouvoir de leurs géniteurs, se retrouvent, ou vont se retrouver, du jour au lendemain, propulsés au faîte du pouvoir. La voie étant ainsi ouverte, quel sera le prochain président arabe qui offrira «sa République» en héritage au rejeton? Au moment où dans le monde on lutte pour l'accès des peuples à la citoyenneté et à la démocratie, où l'on parle de bonne gouvernance et de participation des citoyens aux choix stratégiques de l'Etat, dans le monde arabe on semble faire le parcours contraire et les peuples voient progressivement se réduire leurs droits et leurs libertés, et sont tenus à l'écart des décisions qui engagent l'Etat et le pays. Par un paradoxal retour de situation, les Arabes sont de plus en plus sujets et de moins en moins citoyens. Peut-on dès lors s'en étonner lorsque l'on constate que le monde arabe, l'un des rares ensembles cohérents ( de par sa langue, son histoire, sa religion) de la planète soit, dans le même temps, le plus rétrograde, par la mainmise des clans sur les politiques de ses Etats membres? En effet, voici revenir, dans le monde arabe, le temps des dynasties, au moment où les nations s'ouvrent à l'universel, où l'égalité et les libertés sont devenues un bien commun protégé par tous. Le retard, voire l'arriération, des pays arabes ne s'explique pas autrement que par le fait que leurs dirigeants ont éliminé toute possibilité pour les citoyens arabes de prendre en charge le développement de leur pays. Aussi, voir naître, au seuil du troisième millénaire, de nouvelles dynasties monarchiques, est, certes, absurde, mais n'est en réalité que la résultante de cet absolutisme qui a perdu depuis fort longtemps la mesure des choses.