Polémique autour de l'approvisionnement en ciment à Béjaïa. Députés et entrepreneurs s'affrontent. Le secteur des travaux publics à Béjaïa subit de plein fouet une crise qui n'est pas sans perturber la réalisation des nombreux projets inscrits dans le Plan quinquennal. Tout le monde s'accorde à reconnaître que le déficit en production d'agrégats devient alarmant au regard des besoins et du plan de charge de la wilaya. C'est ce qu'a indiqué, récemment, le directeur de l'énergie et des mines, M.Belaïd Akour. Pour le cas du ciment, les avis divergent. Le parlementaire Meziane Belkacem fait un constat selon lequel près de 500 promoteurs/investisseurs et plus de 2500 autoconstructeurs de la wilaya de Béjaïa souffrent actuellement le martyre pour s'approvisionner en ciment gris à partir de l'Erce de Béjaïa. Kamel Louiba, président de la Fédération Btph, affirme, quant à lui, tout à fait le contraire parlant d'approvisionnement «régulier et équitable». Dans une déclaration qui nous a été faite hier matin, le président du Btph soutenait que «depuis l'approvisionnement par bateau, toutes les entreprises sont satisfaites», ajoutant au passage que «les entreprises sont programmées et informées par le biais d'Internet de manière régulière et équitable». Le président de la fédération, qui n'a pas attendu aujourd'hui pour parler de cette crise, a estimé, par ailleurs, que «si les autoconstructeurs souffrent de programmation au niveau du point de vente Erce de Béjaïa c'est à cause des gros travaux en cours à l'arrière-port gênant ainsi le passage des semi-remorques devant alimenter ces derniers en ciment». S'exprimant pour la deuxième fois sur le secteur du bâtiment, le député indépendant, Meziane Belkacem, choisit encore cette fois-ci, de s'adresser directement au Premier ministre, pour parler de la situation «incompréhensible et préjudiciable pour le développement local de la wilaya de Béjaïa», au chapitre de l'approvisionnement en ciment gris. Tout en rappelant, «les démarches de médiation accomplies par nos soins auprès de tous les intervenants concernés» et «malgré des capacités de production considérables» (5500 T/J à Aïn-Kebira et 1500 T/J au port de Béjaïa), il indiquera que «le ciment n'est actuellement disponible que sur le marché parallèle à Béjaïa». Partant, le parlementaire estime qu'il «est urgent d'instruire qui de droit pour mener une enquête approfondie auprès de l'Erce de Sétif et de Béjaïa afin de prendre les décisions qui s'imposent». Aussi étrange que cela puisse paraître, les politiques ne semblent guère inquiétés que par la crise du ciment alors que beaucoup d'autres insuffisances entravent le développement local. Le cas du déficit en agrégats est assez illustratif. et c'est le directeur des mines qui en fait état. «Le déficit enregistré par rapport aux capacités de production de la wilaya est de 50% pour l'agrégat, 70% pour le sable concassé et 50% pour l'enrochement», a-t-il révélé, soulignant que la production globale d'agrégats a baissé de moitié en 2009 comparativement à l'année 2008. «Cette carence est essentiellement due à l'opposition des citoyens, se traduisant par la fermeture de plusieurs carrières», a souligné M.Akour qui a attribué cette décrue à «l'arrêt des carrières de Kherrata, Chellata et Aokas», déplorant par la même une décision de renoncement définitif d'une entreprise spécialisée dans la production de gypse, pour des raisons analogues. Les carrières exploitées par des entreprises publiques n'ont pas échappé à ce phénomène. Cela est valable pour les entités localisées dans le périmètre du Parc national de Gouraya (PNG), notamment celles appartenant respectivement à l'Enof, l'ETR et à la Sntp, qui ont vu leurs titres miniers retirés suite à une opposition de la direction des forêts et sommées, de surcroît, de se délocaliser, a-t-il déploré. Les trois entreprises fournissent plus de la moitié de la production locale d'agrégats, a-t-il signalé. D'autres projets de carrières, titulaires de titres miniers ou d'autorisations d'exploitation de carrières et sablières, restent bloqués également pour les motifs inhérents à l'opposition des riverains dont l'argument tourne essentiellement autour d'enjeux environnementaux ou de nuisances. Malgré les garanties apportées, aussi bien par les investisseurs que par les pouvoirs publics sur le respect des normes exigées et l'importance de ces carrières pour le développement de la wilaya, rien n'y fait, a encore déploré M.Akour, n'hésitant pas à parler d'une «mafia locale qui veut saborder toutes les initiatives d'intérêt». «Il y a une mafia de l'agrégat», a-t-il dénoncé, fustigeant le «silence» de certains comités de villages au sujet de l'exploitation illicite de la roche. Le déficit enregistré a été comblé, notamment pour les entreprises de bâtiment, grâce à des achats et des transferts opérés à partir des wilayas limitrophes (Sétif, Bordj Bou Arréridj et Bouira) avec tout ce que cela engendre comme retard dans la réalisation des projets et des surévaluations des investissements concernés. Un fait que confirmait hier le président du Btph, insistant sur l'importance des coûts. Globalement, on estime que c'est là que «les politiques doivent agir pour lever ces entraves, fruit des oppositions citoyennes». «Autant il est judicieux, d'aborder la crise de ciment, autant cela l'aurait été si toutes les insuffisances étaient dénoncées», commentait hier un opérateur des travaux publics. Même si les avis divergent sur la situation du bâtiment et des travaux publics à Béjaïa, il est heureux tout de même de constater l'intérêt a porté à cette problématique par les uns et les autres. Du débat jaillit la lumière dit-on. Serait-ce le cas cette fois-ci? L'avenir nous le dira.