Fraîchement installé à la tête du département du Commerce, M.Benbada a mobilisé toute une artillerie pour sécuriser le marché à la veille du Ramadhan. Il a convoqué, jeudi dernier, les opérateurs et principaux fournisseurs pour les rappeler à l'ordre quant à l'approvisionnement régulier du marché. Allant droit au but, le ministre a interpellé les opérateurs économiques dans la perspective d'écarter toute tentative de spéculation. En plus des fournisseurs, le ministre a délivré des messages très forts à l'adresse des commerçants et même des consommateurs pour faire preuve de civisme. Partant de l'idée que rien n'est impossible, M.Benbada croit que même avec les moyens du bord limités, la sensibilisation de toutes les parties est une arme extrêmement efficace. Ecoutons la suite. L'Expression: A moins d'un mois du Ramadhan assurez-vous que le marché ne connaîtra pas de flambée? M. Benbada: Sincèrement, on ne peut pas prédire l'avenir. Je crois que toutes les dispositions que nous avons prises nous laissent optimistes quant à l'approvisionnement régulier du marché en matières premières destinées à couvrir les besoins des citoyens. Cette stratégie n'est pas seulement destinée à couvrir les besoins de la population uniquement durant le mois de Ramadhan. Nous espérons, bien évidemment, établir des règles claires et durables qui permettent d'asseoir une relation de confiance et de coordination entre les fournisseurs et les pouvoirs publics, et le consommateur. C'est l'objectif pour lequel d'ailleurs j'ai convié à une réunion ce jeudi (22 juillet 2010 Ndlr) les principaux acteurs intervenant dans l'approvisionnement du marché, qu'ils soient opérateurs privés ou publics. Il ne faut pas perdre de vue que le comportement des consommateurs influe également sur l'état du marché. Durant les premiers jours du Ramadhan, il y a souvent une ruée des citoyens sur certains produits, cela influe justement sur les prix en provoquant des spéculations et des dépassements. Nous avons l'habitude de constater d'ailleurs une stabilité des prix à partir de la deuxième semaine du mois sacré. Le gouvernement a tiré les conclusions des différentes expériences que nous avons vécues et nous essayons d'améliorer chaque année notre dispositif. Malheureusement, les deux lois sur les pratiques commerciales et la concurrence ne peuvent pas être appliquées car elles ont été adoptées la semaine passée par le Parlement. Nous avons besoin de dispositif de contrôle du marché. Je crois que la sensibilisation de tous les responsables de l'administration est également importante. J'ai saisi même les walis et les responsables pour qu'ils activent les dispositifs de veille et de contrôle à tous les niveaux. Comme j'ai saisi également l'opinion publique et les opérateurs économiques à travers des avis publiés dans la presse pour l'application rigoureuse des lois. A mon avis, la sensibilisation est un moyen extrêmement efficace. En plus, nous avons renforcé le dispositif de contrôle en mobilisant tous nos agents sur le terrain. En collaboration avec le ministère de l'Agriculture, nous avons mis en place les dispositifs de régulation afin de pouvoir intervenir en cas de nécessité pour casser justement toute tentative de rétention de marchandise visant à déstabiliser le marché. Les dépôts seront mis sous l'oeil des agents de contrôle. La stabilité du marché implique également les opérateurs qui doivent être des partenaires oeuvrant à l'approvisionnement régulier du marché. Les citoyens de leur côté, doivent faire preuve de civisme en matière de comportement de consommation. J'espère que cette batterie de mesures va améliorer la situation du marché. Certains produits affichent déjà des prix très élevés. C'est le cas d'ailleurs du sucre et de l'huile, qu'allez-vous faire dans ce cas? Effectivement, ces deux produits sont liés aux prix des matières premières au niveau de la bourse internationale. Malheureusement, nous n'avons pas de dispositif spécifique qui permet d'observer régulièrement la tendance. Nous n'avons que le dispositif de sensibilisation des opérateurs sur le respect des marges de gain. L'amendement de la loi sur les pratiques commerciales considère comme délit tout opérateur qui ne répercute pas la baisse des prix d'un produit sur le marché international sur le marché local. D'ailleurs, j'ai attiré l'attention des opérateurs pour mettre en application l'affichage des prix. Nous allons intervenir par la force de la loi pour sévir contre toute tentative de spéculation. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur le contrôle des dépôts afin d'écarter toute pénurie sur le marché. Notre action vise la sensibilisation et le renforcement du contrôle. Une vaste opération a été lancée dans ce sens pour inspecter tous les dépôts. Près de 1500 agents seront mobilisés sur le terrain et 1000 agents supplémentaires seront recrutés cette année et la procédure est en cours. Afin de conforter cette action, nous comptons recruter 1500 agents chaque année, et ce, à partir de 2011, pour atteindre un effectif de 7000 agents d'ici 2014. Le renforcement de l'effectif suffit-il lorsqu'on sait que l'agent peut faire l'objet de pressions et de corruption? C'est un vrai problème qui se pose à tous les niveaux et pour tous les agents de contrôle que ce soit au niveau de la douane ou du fisc. Je pense que c'est une question qui relève de l'ethique et des valeurs de la société. C'est pourquoi tout le monde doit jouer son rôle. La famille, l'école, la mosquée et même les médias pour la sensibilisation des consciences, car ces dépassements portent atteinte à la santé publique. La loi ne peut pas tout régler mais elle permet de codifier les relations entre les différents secteurs. Il faut qu'il y ait une bonne base de moralité. Votre département s'est engagé dans une bataille contre les monopoles, comment allez-vous lutter contre les barons? La loi sur la concurrence dénonce justement le monopole. Notre objectif est de veiller à assurer un jeu de concurrence libre et loyale sur le marché. C'est la mission du Conseil de la concurrence. En attendant sa mise en place, on est saisi parfois par des opérateurs qui se plaignent des pratiques douteuses de leurs concurrents. C'est de bonne guerre pour certains produits, c'est le cas d'ailleurs des produits laitiers et de l'électro- ménager. Depuis mon arrivée à la tête du ministère, j'ai instruit les responsables pour lancer deux enquêtes. Je tiens à préciser que la concurrence est une nouvelle pratique en Algérie. L'importation de la viande suscite une vive polémique chez les consommateurs qui s'interrogent si c'est halal ou non, avez-vous des explications à avancer sur ce point? Pour que ce soit clair, la procédure d'importation de certains produits comme la viande est soumise à une dérogation sanitaire délivrée par les services du ministère de l'Agriculture. Rien n'est délivré par notre département. Pour ce qui nous concerne, nous intervenons quand la marchandise arrive au niveau de la douane. Nous contrôlons tout ce qui concerne le produit. Je tiens à préciser que dans ce type d'opération, il y a une attestation portant sur l'origine du produit et sa composition et sa date de péremption. Nos agents veillent sur le contrôle de la conformité des produits avec ce qui est déclaré. Puis, une fois le dédouanement fait, les vétérinaires se chargent de l'examen des produits. Je tiens à rassurer que pour le cas des viandes, des équipes de vétérinaires se sont déplacées à l'extérieur du pays pour s'enquérir de la qualité et des conditions et des règles d'abattage. Pour la question des produits halal, il n'y a pas lieu de s'alarmer. Je rassure les consommateurs d'avance que tous les produits commercialisés sont soumis à un contrôle rigoureux. Il y a même des certificats qui confirment que le produit est halal. De plus, des commissions de contrôle surveillent toute marchandise. Nous sommes allés plus loin en installant des commissions qui enquêtent sur l'origine des additifs alimentaires comme le corned-beef, les bonbons et chocolat qui contiennent des produits non halal. D'ailleurs, ce problème a été soulevé lors de la dernière réunion de Genève où les pays musulmans coordonnent leur action pour la commercialisation des produits halal et pour informer de tout type de produit identifié pour suspendre son importation. Malheureusement, certains opérateurs ignorent ce genre de détails. Ainsi, nous n'avons pas un outil au niveau du port qui permet de détecter si le produit et halal ou non, c'est la raison pour laquelle les fraudeurs trouvent le moyen de tricher en commercialisant des produits non conformes sur le marché. Il est impossible de fouiller toute la marchandise au port. Le gouvernement a décidé d'introduire le chèque dans les transactions commerciales, comment allez-vous l'appliquer sur le marché des voitures d'occasion et celui du cheptel? Je ne crois pas qu'il y a des têtes d'ovins ou de bovins qui dépassent 500.000 DA. Pour les autres marchandises, il faut immédiatement aller vers son application. S'il y a une volonté réelle de la part de tous les opérateurs, ce moyen sera vite adopté. Mais, il faut donner des préalables, c'est-à-dire, sécuriser le chèque et donner confiance aux citoyens pour que les chèques soient un moyen de paiement crédible. Il n'y a pas uniquement le chèque, la disposition concerne aussi la carte bancaire et le transfert. Je crois que les pouvoirs publics sont déterminés à sécuriser le chèque. Pour donner plus de temps aux banques et aux entreprises d'améliorer leur service, l'application de la disposition, prévue à partir de janvier 2011, a été différée jusqu'à la fin mois de mars prochain. Le gouvernement veut s'assurer que le problème de la pénurie des chèques ne soit plus posé à l'avenir. Le Premier ministre a donné des instructions claires à qui de droit pour que le problème des chèques soit définitivement réglé. Il est temps justement de développer les modes de paiement et on ira vers des montants inférieurs à ce niveau. Les opérateurs économiques et le commerçant admettent et coopèrent dans l'utilisation du chèque en introduisant des équipements spécifiques.