Avec la chute d'une troisième ville, la situation devient préoccupante en Côte-d'Ivoire. La tentative de putsch, fomenté le 19 septembre dernier par des hommes armés, n'a pas encore dit son dernier mot. En fait, le mystère entourant le, ou les, commanditaire(s) du coup d'Etat avorté en Côte-d'Ivoire reste entier, alors que la crise tend à s'internationaliser. Le jeudi, 19 septembre, des hommes armés se sont emparés de la seconde ville du pays, Bouaké, au moment où le général Robert Guei, responsable du coup d'Etat de décembre 1999, était découvert mort dans une rue d'Abidjan, ainsi que son épouse et des membres de sa garde rapprochée. Que s'est-il passé, d'où sont venus les putschistes, qui sont-ils? Autant de questions qui attendent une réponse. Cependant sur le terrain, la situation se compliquait avec la prise par les rebelles, le 20 septembre, de la ville de Korogho (Nord). Ce qui fait que ce qui, pour un moment, a été considéré comme une mutinerie, a pris, au cours des derniers jours, des tournures plus inquiétantes de guerre de tranchée avec la chute, vendredi, d'une troisième ville, Odienné (Nord-Ouest), mettant en désarroi les autorités ivoiriennes. Ces dernières n'ont d'ailleurs pas tardé à franchir le pas en faisant appel à Paris demandant l'aide militaire de la France. C'est le Premier ministre, Pascal Affi N'Guessan qui, dans un entretien à Radio France Internationale, a révélé que Yamoussoukro avait «actionné les accords de défense entre la Côte-d'Ivoire et la France parce que nous avons conclu ces accords de manière à avoir, dans des situations exceptionnelles, comme celle que nous vivons, l'appui de notre allié». Les accords auxquels se réfère le chef du gouvernement ivoirien, ont été conclus en avril 1961 quelques mois après l'accession de la Côte-d'Ivoire à l'indépendance. Dans ce cadre, une force de 600 hommes du 43e BIM (Bataillon d'infanterie de marine) stationne en permanence à Abidjan. Plus tôt, au courant de la semaine écoulée, des militaires français étaient intervenus pour évacuer 2000 étrangers de Bouaké, sous contrôle des mutins. L'internationalisation de la crise ivoirienne se profile également avec le sommet de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui se tiendra aujourd'hui à Accra et réunira des chefs d'Etat membres de l'organisation lesquels débattront de la situation en Côte-d'Ivoire. Il est attendu que le président ivoirien, Laurent Gbagbo, prenne part à la réunion. Selon le président sénégalais, Abdoulaye Wadé, président en exercice de la Cedeao, les dirigeants ouest-africains sont prêts à mettre à la disposition des autorités ivoiriennes une force de paix forte de 3000 à 4000 hommes. Au plan international, quoique Paris n'ait pas encore réagi, en début d'après-midi d'hier aux propos du Premier ministre ivoirien, il devient patent qu'une intervention externe sous l'égide de la France et de la Cedeao n'est plus à écarter. Au plan interne, les choses n'ont guère évolué et le mystère plane toujours sur les initiateurs du putsch, comme restent inconnues leurs éventuelles revendications. Cependant, l'un des auteurs du coup avorté, l'adjudant Tuo Fozié, qui se présentait à la presse comme le chef des militaires rebelles de Bouaké, s'est attaché, vendredi, à disculper le général Gueï, affirmant: «Il n'y a aucun chef politique derrière nous à ma connaissance, (le général et ancien chef de la junte) Robert Gueï ou (le président du principal parti d'opposition, réfugié à l'ambassade de France à Abidjan) Alassane Ouattara ne sont pas derrière cette histoire». Mais cela n'explique pas ce putsch, dont les autorités ivoiriennes ne doutent pas qu'ils soit commandité de l'étranger, selon des déclarations concordantes, faites par des responsables ivoiriens, quelques heures après l'échec du coup d'Etat. Un échec du putsch certes, mais sans que, pour autant, les autorités légales parviennent à rétablir la situation Depuis, aucun élément nouveau n'est venu éclairer les tenants et aboutissants du coup de force en Côte-d'Ivoire. Réputé comme étant le pays le plus stable en Afrique, la Côte-d'Ivoire est entrée dans la spirale des turbulences depuis décembre 1999 et le coup d'Etat qui destitua le président Konan Bédié. Longtemps épargné par les conflits et guerres civiles qui sévissaient chez ses voisins du Liberia et de la Sierra Leone, notamment, la Côte-d'Ivoire se voit à son tour, s'enfoncer de plain-pied dans la zone de tempêtes qui secoue depuis une décennie l'Ouest africain.