L'éviction plus que probable du gouvernement de l'actuel patron du Quai d'Orsay est annonciatrice de relations politiques plus apaisées entre Paris et Alger. Un indice sérieux nous permet de croire au départ de Bernard Kouchner: les déclarations faites par Jean-Pierre Raffarin sur les ondes de France Inter au mois de juillet dernier. Selon l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, le futur gouvernement devrait «aller beaucoup plus à l'international». Quand bien même on ne serait pas dans le secret des dieux, force est de reconnaître que c'est le poste de ministre des Affaires étrangères qui est ciblé. Doit-on s'en réjouir du côté de la capitale algérienne? Il n'y aura certainement pas de réaction officielle à ce qui demeure avant tout une affaire franco-française. Cependant, le correctif qui sera apporté en ce sens, à la politique étrangère de la France, ne sera sans doute pas pour déplaire à la diplomatie algérienne. En effet, certaines déclarations du ministre français des Affaires étrangères n'ont servi qu'à rendre tendues, voire exécrables, les relations politiques entre les deux pays. «La génération de l'Indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple», avait-il déclaré dans une interview publiée, le 20 février dernier, par le Journal du Dimanche. Quarante-huit heures plus tard seulement, Nicolas Sarkozy dépêcha le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, accompagné d'une forte délégation pour très probablement circonscrire ce qui ressemblait à un début de minicrise entre les capitales des deux rives de la Méditerranée. Il était toutefois dit que le chef de la diplomatie française n'allait pas en rester à ce qui n'est, de toute façon, guère son premier coup d'essai. En effet, dans une dépêche rapportée par l'agence officielle marocaine MAP datée du 19 avril 2010, le patron du Quai d'Orsay aurait ouvertement critiqué la fermeture des frontières terrestres entre l'Algérie et le Maroc et a apporté le soutien de son pays au projet d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. «La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques au monde», avait déclaré Bernard Kouchner à des élus français de la commission des affaires étrangères qui étaient en train de l'auditionner. La diplomatie, notamment celle si particulière et si sensible qu'entretient la France avec l'Algérie, une de ses anciennes dernières colonies en Afrique, aurait pu faire l'économie de telles sorties médiatiques dont raffole son chef. Un réflexe de droit d'ingérence qu'il continue à traîner comme un boulet sans parvenir à s'en défaire depuis qu'il a fait de l'humanitaire sa profession de foi. Cela s'est traduit en maladresses. En diplomatie, cela ne pardonne pas. Résultat: deux anciens ministres français des Affaires étrangères, Hubert Védrine (1997-2002) et Alain Juppé (1993-1995) ont déclaré sans détour que «le Quai d'Orsay est un ministère sinistré». Les deux hommes s'étaient exprimé dans les colonnes du quotidien Le Monde: «L'effet est dévastateur: l'instrument est sur le point d'être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s'en rendent compte. Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d'interlocuteurs qu'il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d'information et d'analyse», ont-ils fait constater à l'unisson. Le clou sera enfoncé par l'ex-ambassadeur de France au Sénégal, qui a quitté ses fonctions le 30 juin 2010. «M.Kouchner a réorganisé le ministère à la manière d'une organisation non gouvernementale (ONG)...», a confié au même journal Jean-François Rufin. Un constat qui fait croire que les jours de Bernard Kouchner, à la tête du département des affaires étrangères, sont comptés. Parmi les victimes du prochain remaniement, la presse de l'Hexagone cite, entre autres, les noms de Fadéla Amara et Rama Yade. Ce qui signifierait la fin de la diversité au sein du futur gouvernement. Election présidentielle oblige. Sarkozy n'est pas près de tolérer certains écarts qui pourraient hypothéquer son avenir politique: son destin présidentiel.