Devant 120 victimes présentes à l'audience, les deux accusés affichaient un air impassible. Le procès de deux Algériens, Boualem Bensaïd et Smaïn Aït Ali Belkacem poursuivis pour trois attentats à la bombe commis à Paris en 1995 et revendiqués par le GIA, s'est ouvert hier matin, devant la cour d'assises spéciale de Paris devant près de 120 victimes présentes à l'audience. Ces attentats, rappelons-le, avaient fait 8 morts et 200 blessés. Le troisième accusé renvoyé dans le dossier, Rachid Ramda, 34 ans, est toujours sous écrou extraditionnel à Londres. Il est présenté comme le financier du réseau et devrait être jugé ultérieurement, soit par contumace, soit en sa présence si Londres acceptait de l'extrader. Ce que la Grande-Bretagne refuse catégoriquement, assurant qu'il risquait de subir «un traitement inhumain ou dégradant en France». Les mesures de sécurité ont été renforcées autour du Palais de justice de Paris. Une salle de retransmission vidéo a été installée à proximité de la Cour d'assises pour que les 180 parties civiles et la cinquantaine de journalistes accrédités puissent suivre les débats. Il est 10 h à la coursd'assises. Les deux hommes de 34 ans, barbus, en tee-shirts, restent impassibles à la lecture des noms des victimes des trois attentats. Puis intervient le président Jean-Pierre Getti: «Vous êtes bien Boualem Bensaïd?». «Oui, c'est ça», a rétorqué l'accusé répondant, debout et sans hésiter, à toutes les questions sur son état civil. L'homme demandera même un traducteur sur proposition du président de la cour. Bensaïd exprimera même une contestation lorsque une association algérienne de victimes du terrorisme fait part de son désir de se constituer partie civile. «Les premiers accusés viennent se constituer en victimes et ça c'est le monde à l'envers», a-t-il ironisé. Boualem Bensaïd comparaît pour sa participation aux attentats du 25 juillet 1995 dans le RER à Saint-Michel qui a fait huit morts et 150 blessés du 6 octobre 1995; près du Métro «Maison-Blanche» qui a fait 18 blessés et du RER Musée d'Orsay, le 17 octobre 1995. Déjà condamné en 1999 à dix ans de prison par le tribunal correctionnel de Paris, pour «association de malfaiteurs terroristes», puis en 2000 à 30 années de réclusion criminelle pour sa participation à une tentative d'attentat contre un TGV Paris-Lyon, Bensaïd n'a jamais contesté son appartenance au GIA. Smaïn Aït Ali Belkacem est soupçonné, quant à lui, d'avoir monté un réseau terroriste dans le Nord, sur ordre de Bensaïd, réseau qui s'apprêtait à déposer une bombe sur le marché de Wazemmes à Lille lorsqu'il a été démantelé en novembre 1995. Le procès doit se poursuivre jusqu'au 31 octobre au terme duquel les deux hommes encourent la réclusion à perpétuité assortie éventuellement d'une période de sûreté pouvant aller jusqu'à 22 ans. La Grande-Bretagne ne pourra plus refuser une extradition dans une affaire terroriste, comme c'est le cas pour Rachid Ramda. La création d'un mandat d'arrêt européen approuvé par les Quinze en décembre dernier, permettra à un juge de n'importe quel Etat membre d'obtenir automatiquement l'arrestation et l'extradition d'une personne soupçonnée dans une affaire de terrorisme ou de trafic de drogue. «En principe les autorités judiciaires d'un pays ne pourront plus s'opposer à une demande faite conformément aux règles du mandat d'arrêt européen», a souligné le porte-parole du commissaire européen chargé de la justice, Antonio Vitorino. Une disposition juridique qui devrait appoter un plus à la lutte antiterroriste.