Ce n'est pas tant la présence de Boualem Bensaïd et Smaïl Aït Ali Belkacem qui intéresse Paris. Depuis le premier jour du procès des islamistes algériens impliqués dans la vague d'attentats qui a secoué la France, entre les mois d'août et octobre, il était apparu clair que ce qui intéressait en premier lieu la cour d'assises de Paris, spécialisée dans les affaires liées au terrorisme, c'était de «se connecter» à Rachid Ramda, présumé financier du réseau de poseurs de bombes, et Ali Touchent, dit «Tarek», élément clé du puzzle. Or ni l'un ni l'autre ne sont aujourd'hui en France. Le premier, Rachid Ramda, est en prison à Londres, et les autorités judiciaires anglaises refusent de l'extrader, arguant qu'il a été l'objet des sévices corporels lors de sa garde à vue, et que la justice française a «sciemment caché ces informations». De fait, ajoute la cour d'appel britannique, les «aveux arrachés à Ramda sont sans effet». Quant à Ali Touchent dit Tarek, son absence est d'autant plus pénible pour la justice française, qu'il représente, selon la DST, l'élément-clé du puzzle de poseurs de bombes. Touchent, abattu à Alger, à la rue de Tanger, par les services de sécurité algériens, «est mort sans avoir jamais été arrêté, et après avoir pu, de façon inexpliquée, passer entre les mailles des policiers et du Gign français». Certains officiels français sont allés jusqu'à mettre en doute le «rôle suspect» de Touchent, «abattu avant d'avoir déballé le moindre aveu». En 1998, le patron de la 6e Division centrale de la police judiciaire (Dccpj), Roger Marion, le qualifiait de «responsable de la vague d'attentats». Pour ajouter au dépit de la justice française, Bensaïd et Aït Ali Belkacem ont adopté, dès le début du procès, une attitude rigide, rejetant tout de go, et en bloc, tout ce dont on les avait accablés, et récusant même leur implication dans une quelconque opération terroriste. Ce qui paraissait être une justice rendue par la justice française contre le GIA risque de tourner court, en l'absence des principaux instigateurs, et de n'être, en définitive, qu'un épisode - un de plus - où les zones d'ombre sont plus épaisses que les empans de vérité.