Les camions chargés de nourriture transitant de Syrie vers Baghdad se voient prélever une taxe de 200 dollars. Chantage, extorsions et crime organisé: Al Qaîda verse de plus en plus dans ces méthodes pour financer ses activités, les hommes d'affaires payant le prix fort de ces intimidations, selon des officiers irakiens et américains basés dans le nord de l'Irak. En dépit de la baisse des attaques à Mossoul et dans la province de Ninive, et malgré le déclin du trafic d'armes via la frontière avec la Syrie, menaces et coercition demeurent monnaie courante dans cette région. Tout le monde paie, et personne n'objecte ni ne diffère (le paiement) parce que leurs véhicules seront saisis et leur boutique fermée jusqu'à ce qu'ils versent l'argent, affirme Abdoullah Ahmed Ali, qui possède un étal dans le centre de Mossoul. Ainsi, les camions chargés de nourriture transitant de Syrie vers Baghdad se voient prélever une taxe de 200 dollars, les véhicules plus petits autour de 100 dollars. Refuser n'est pas une option, résume M.Ali, 44 ans. Ceux qui refusent de payer finissent comme Abou Mohammed, un commerçant qui, selon lui, n'aurait pas consenti à verser l'argent exigé par l'Etat islamique d'Irak (ISI), branche locale d'Al Qaîda. On l'a retrouvé mort, abattu. De tels récits sur des intimidations sont légion à Mossoul, carrefour commercial depuis des siècles mais désormais connu pour être un point central de la contrebande. Parmi les méthodes d'Al Qaîda figure l'extorsion. Ils y ont recours parce que des trafics d'explosifs et d'armes ont été stoppés, dit le capitaine Keith Benoît, qui effectue des patrouilles conjointes avec les Irakiens et des soldats peshmergas kurdes dans la région de Ninive. La police irakienne confirme le recours de l'ISI à l'extorsion. Soit ils collectent des impôts par la force, soit ils reçoivent de l'aide en provenance (d'autres) pays pour financer leurs attaques, explique le colonel Hamed Abdallah, qui travaille pour une force mixte rattachée à la base américaine de Marez, à la périphérie de Mossoul. Selon les Américains, les attaques ont considérablement baissé à Ninive: 24 explosions de bombes ont été signalées entre février et avril contre six lors des trois mois suivants. Les violences à Mossoul ont aussi chuté, selon l'Irak Body Count, même si la ville demeure, selon l'ONG britannique, plus dangereuse que Baghdad. L'ISI est en train de devenir une organisation complètement criminelle, motivée par l'argent et avec une idéologie et un objectif très vagues, souligne le colonel Charles Sexton, commandant de la 2e brigade, 3e division d'infanterie sur la base de Marez. Leur premier objectif est de gagner de l'argent pour leurs chefs et subordonnés. Le 27 juillet, durant une patrouille au marché de Maaj à Mossoul, des commerçants se sont plaints d'extorsion au commandant de la 3e division de la police fédérale, le général Mohammed Latif, raconte le colonel Dan Reid. Le général Latif a dit aux commerçants: «Appelez-moi directement si quelqu'un essaie de vous extorquer de l'argent, car cet argent sert à financer le crime organisé ou les activités terroristes». Il a reçu quelques coups de téléphone, un peu plus d'informations, mais il n'y a pas eu de grosse capture, pour l'instant, note-t-il. Selon le colonel Reid, à la tête d'une équipe de conseillers militaires, la coopération entre les différents organes de sécurité à Mossoul est pauvre et cela entrave les efforts pour juguler le crime. Personne ne fait confiance à personne ici, poursuit-il. Propriétaire d'un générateur qui alimente un quartier de Mossoul, Amin Jamil Ahmad explique qu'il doit payer 50 dollars par mois aux insurgés se réclamant de l'ISI. Les responsables locaux savent très bien ce qui se passe, souligne cet homme de 37 ans. «Si l'on avait une sécurité forte et un bon renseignement, ils pourraient les arrêter. Là personne ne refuse. Tout le monde paie».