La saison théâtrale s'est ouverte en fanfare cette semaine au TNA d'Alger. Le Théâtre national algérien a ouvert la nouvelle saison théâtrale qui figure sous le générique de La saison des poètes, avec la pièce El-Guerrab oua salihine de Ould Abderahmane Kaki créée en 1964 sur la base d'un conte populaire maghrébin. C'est un théâtre novateur que le dramaturge a mis en oeuvre, où il était question de braquer les projecteurs sur des petites gens qui se débattent dans des problèmes quotidiens. La séance d'hier a été marquée par la désolante, mais réelle, absence du public où seule une vingtaine de curieux ( ?), emplissaient l'immense salle du Square Port-Saïd. A n'en pas douter des «accros» des planches en ont eu pour leur argent, quittant la salle avec une petite lueur dans les yeux. Une lueur qui en disait long sur ces 120 minutes passées hors du temps. Comme nous l'affirme une jeune spectatrice: «Deux heures de bonheur, deux heures de rêve où je me suis déconnectée du monde extérieur pour rejoindre ce monde fictif. Un monde parfaitement tracé et imaginé par ce grand dramaturge. On ne pouvait que dire que ça s'est passé trop vite.» Un spectateur, envoûté par le décor de la scène, dira: «J'ai bien aimé l'utilisation des jeux de lumières, la disposition des objets sur la scène. Ce que j'ai adoré par dessus tout c'est quand ils ont simulé la «hadhra» en l'accompagnant avec le djaoui et les danses des femmes. Une djedba qui retentissait aux rythmes des «bendirs», c'était super.» Au lever de rideau les spectateurs sont transportés dans le petit village de Sidi Dahane. Sa communauté vit dans une profonde misère tout en souffrant d'une faillite sociale et culturelle. Par désespoir le guerrab «Slimane» fait appel aux Saints, à son grand étonnement trois «Awlia Salihine» apparaissent: Sidi Abdelkader Djillali, Sidi Boumediene et Sidi Abderrahmane. Testant les gens ils demandent à être hébergés et à être pris en charge. Tout le monde refuse prétextant sa pauvreté, sauf Halima Laâmia qui n'hésita pas à sacrifier son seul bien, sa chèvre pour bien accueillir ses invités. Reconnaissants, les salihine décident de prier Dieu pour sauver cette communauté en détresse. Une fois exaucés, les villageois courront après l'argent et feront du village un fonds de commerce «Les Salihine ont marché sur ce sable, ils ont dormi dans cette pièce» Tout était bon pour escroquer des personnes superstitieuses. La négligence se répand et Halima décide d'intervenir pour redresser la situation chargeant son cousin Safi de faire comprendre aux villageois que sans le travail, ce don du ciel finira bien par s'épuiser un jour ou l'autre. La lecture philosophique que fait Kaki de l'espace social et la mise en exergue des émotions humaines permettent à la pièce de garder une actualité intacte, de la société et de la réalité qui la meut. Cette approche fait que le spectateur se sent directement concerné, ce qui donne toute sa dimension à El-Guerrab oua Salihine lui assurant un succès mérité. De par la franchise des répliques et leur simplicité, la pièce incite le public à réfléchir aux valeurs sociales, à l'avenir qui attend et qui viendra, sans aucun doute, mais et surtout à la manière de gérer la vie. Notons que le TNA, qui a si bien entamé sa saison, la poursuivra la semaine prochaine avec la programmation de la pièce Ubu Roi. Une autre forme satyrique de dire les travers de la société.