Invité d'honneur, du 13 au 19 octobre, Yamina Benguigui sera présente avec deux films, à savoir un documentaire puissant, 9/3, Mémoire d'un territoire et le long métrage Aïcha, job à tout prix. 17 Octobre 1961, une date qui fait encore peur et n'a de cesse que de faire couler de l'encre. L'évoquer encore aujourd'hui suscite conflit et polémique, comme ce fut le cas en France à l'occasion de la sortie du film Hors-la-loi de Rachid Bouachareb. L'histoire qui n'a pas encore dévoilé tous ses secret est encore au coeur de l'actualité algéro- française, près de 40 ans après. C'est dans le cadre de l'événement Résonnasse, via les 10es Rencontres du cinéma citoyen qui se tiennent au Magic Cinéma de Bovigny, en France, que sera projeté le film 17 Octobre 1961, dissimulation d'un massacre. Un documentaire de 52 mn réalisé en 2001 par Daniel Kupferstein. Les 17 et 18 octobre 1961, lors d'une manifestation non violente contre le couvre-feu qui leur était imposé, des dizaines d'Algériens étaient assassinés à Paris par des fonctionnaires de police aux ordres de leurs supérieurs. Depuis 40 ans, ce crime a été occulté; pourtant, ces événements, les plus meurtriers sur le sol de France depuis la Seconde Guerre mondiale, ressemblent, par certains aspects, aux heures les plus sombres de la collaboration. Pourquoi cette histoire a-t-elle été dissimulée? Dans quelles conditions, au nom de quelles raisons, des responsables d'un Etat démocratique ont-ils caché l'ampleur et la gravité de tels événements? Autant de questions qui taraudent le réalisateur Daniel Kupferstein, lequel tentera de répondre lors d'un débat qui sera sans doute bien houleux. Au moment où l'Assemblée nationale française a reconnu que la Guerre d'Algérie a bien eu lieu, ce film a contribué à faire que les événements du 17 Octobre 1961 retrouvent toute leur place dans notre mémoire collective. «Il est aujourd'hui possible d'intégrer ces pages refoulées de notre histoire. Nous avons une responsabilité vis-à-vis des victimes de ce massacre et de leurs familles», fait remarquer le réalisateur. «Peuple français, tu as tout vu Oui, tout vu de tes propres yeux Tu as vu notre sang couler Tu as vu ta police Assommer les manifestants Et les jeter dans la Seine. La Seine rougissante N'a pas cessé les jours suivants De vomir à la face. Du peuple de la Commune Ces corps martyrisés Qui rappelaient aux Parisiens Leurs propres révolutions Leur propre résistance Peuple français, tu as tout vu Oui tout vu de tes propres yeux, Et maintenant vas-tu parler? Et maintenant vas-tu te taire?» écrivait aussi, en 1961, notre plume de combat, Kateb Yacine. Militantisme, luttes pour la dignité, démocratie et justice sociale, tels sont les thématiques qui seront traités à travers une série de documentaires, fictions, courts et longs métrages au cours de cette manifestation. Résonances est, pour information, un festival de l'engagement et de la citoyenneté, explorant des thématiques au coeur de l'actualité sociale et politique. Pour cette 10e édition, le festival fait sienne cette déclaration d'Elder Camara: «Lorsqu'on rêve tout seul, ce n'est qu'un rêve alors que lorsqu'on rêve à plusieurs c'est déjà une réalité. L'utopie partagée, c'est le ressort de l'histoire». Invité d'honneur, la réalisatrice Yamina Benguigui (Mémoires d'immigrés, Le Plafond de verre) sera présente à travers deux films, soit un documentaire puissant, 9/3, Mémoire d'un territoire sur le département le plus stigmatisé de France, celui de ces Maghrébins laissés-pour-compte dont elle reconstituera une image loin des clichés et le long métrage Aïcha, job à tout prix, lequel sera présenté en avant-première. A 50 ans de l'indépendance des Etats africains, seront également abordés les méfaits de la colonisation, notamment avec Le Camp de Thiaroye de Sembene Ousmane, film censuré en France jusqu'au milieu des années 90 malgré le Prix Spécial du jury reçu au Festival de Venise. «Parce que ce cinéma de solidarité donne la parole aux exclus, et à l'heure où l'expulsion est malheureusement devenue une norme, pour certains, dans le quotidien et les licenciements monnaie courante, il est important de se rencontrer pour faire connaître nos idées de tolérance et de partage. Le cinéma de notre invité d'honneur, la réalisatrice Yamina Benguigui, exprime parfaitement ces préoccupations. Nous avons été très heureux de l'accueillir à Bobigny pour le tournage de son dernier film Aïcha, Job à tout prix et de la soutenir. Notre joie est donc grande d'accueillir l'avant-première de son film pour l'ouverture de Résonances. Notre ville, d'ailleurs, est de plus en plus sollicitée et nous recevons toutes ces équipes de film en faisant montre d'une générosité qui n'a d'égale que notre disponibilité à faire avancer les idées de progrès et d'émancipation. C'est sur ce terreau qu'il nous prend à espérer que la vie imite l'art et y prenne racine!», souligne Catherine Peyge, maire de Bobigny.