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Turbulente émotion
BERTRAND RENAUDIN À IBN ZEYDOUN (OREF)
Publié dans L'Expression le 19 - 10 - 2002

Chez ce peintre-musicien, le bonheur se décline en africain et la musique devient partage.
«Salam Alaïkoum. Je suis heureux d'être là, parmi vous ce soir. Je vais commencer par une composition en solo», indique le batteur, le maître de cérémonie jazz, Bertrand Renaudin. Accompagné de ses talentueux musiciens, les français Olivier Cahours à la guitare Marc Burafasse à la contrebasse et Alain Debiossat au saxophone, Bertrand Renaudin a convié les mélomanes mercredi dernier, à la salle Ibn Zeydoun de l'Oref sur initiative du CCF à un voyage, sous forme musicale, à travers le continent noir.
Après L'autre voyage, son 1er album sorti en avril 2000, né de ses traversées à travers le monde, un second suivra, une suite logique qui continuera à s'enraciner au gré de sa route qui le guidera cette fois-ci en terre africaine. Alors, après avoir enregistré L'autre voyage, Bertrand Renaudin décide de se consacrer à une thématique africaine et d'attribuer à tous les titres de ses compositions un nom de pays africain. «Silence turbulent en français, c'est un oxymoron, parce qu'un silence ne peut être turbulent. C'est un album qui parle de l'Afrique. Toutes mes compositions sont nées d'émotions, que j'ai pu ressentir à travers les gens ou à travers l'architecture, la géographie géopolitique du pays... Turbulent silence, c'est un tour de l'Afrique entre l'ouest, l'est, le nord et le sud», explique Bertrand Renaudin au micro de Adnane animateur et producteur de Black and blue (Chaîne III).
Avec l'Algérie, le musicien-voyageur en est à son 23e pays africain. «Demain, c'est sûr, j'écrirai une composition sur l'Algérie, par rapport aux émotions que j'ai pu avoir dans ce pays». Et des émotions, il y en aura. Première halte, le Mozambique. Silence dans la salle, on écoute. Aussi effusion de bravos pour exprimer sa joie. La musique de Bertrand Renaudin induit, en effet, une grande complicité avec le public. La musique se fait spleen, désert et nostalgie, méditation, conquête, départ et rupture...Le Cameroun, seconde escale du concert. «Il y a des pays que l'on traverse quelque, fois qui sont terriblement attachants. Je suis allé plusieurs fois au Cameroun, quelque chose m'a beaucoup touché. Lorsque les gens se quittent, ils se touchent, se donnent la main ou s'embrassent. Ils se disent : on est ensemble et ils s'en vont. C'est exactement ce qu'on est venu vous dire ce soir: on est ensemble!», s'écrie le musicien dans la pénombre.
L'ailleurs est parfois salutaire ou douloureux, énergie mystique, mystère, source d'apaisement pour l'âme, une réconciliation avec soi, une découverte chargée d'émotion forte, expressive, se drapant d'une chaleur communicative, perturbante, captivante et troublante qui rappelle des souvenirs amers ou joyeux. La musique est un plaisir qui noie les oreilles. Départ chaloupé pour le Caire. «Il y a des voyages plus bruyants que d'autres, et des voyages plus calmes que d'autres. Je vous propose de parcourir l'Egypte. J'ai été marqué par le Caire où il est très difficile de trouver du repos. Toutes les compositions qui tournent autour de l'Egypte vont aller vers le calme», dévoile Bertrand Renaudin. C'est une cascade de caresses, que suggère ce jazz, susurré par des couleurs et des mélodies «non dénuées d'humour». De leur voyage, les musiciens ont apporté dans leurs bagages des partitions riches en anecdotes et en expériences humaines. Autre destination, un petit voyage chez nos voisins les Marocains. On continue à fermer les yeux. Le silence est roi et harmonie. «Le son est source de bonheur pour tout», affirme le pétillant Bertrand. «Personnellement, je pense l'avoir trouvé, parce que je suis tout simplement heureux de jouer».
Quoi de plus beau et vrai que cette phrase venant de la part d'un musicien fascinant et presque bizarre. Bizarre, pour sa façon de troquer un instant ses baguettes pour une serviette avec laquelle il tapotera sa batterie, histoire de l'imprégner de son aura d'artiste. Feutré, le jazz fait un crochet par le Sénégal. Marqué de sursauts, d'intermèdes étincelants et sensationnels. La batterie se transforme en tam-tam, le jongleur, joueur dans l'âme, se régale. Et nous avec.
Dernière escale, le Malawi. L'itinéraire musical de ce quartet a gagné en originalité car l'on a pu déceler par fraction de sonorités des airs de chez nous. «J'ai très vite compris que j'étais un musicien français. J'avais mes racines. J'essaye de ne pas oublier ce qu'un musicien togolais m'a dit: si tu ne sais pas où tu vas, n'oublie jamais d'où tu viens». Musique ouverte populaire (Mop) comme il l'a baptisée, dans son essence européenne, le jazz de Bertrand Renaudin est basé sur l'improvisation et le partage nourri de ses influences multiples, à l'image d'Antéa Gostini, grand pédagogue de l'instrument et Keny Klark, grand musicien américain, professeur de musique. A ce propos, il dira: «en écoutant sa musique, je me suis dit, c'est cette musique là que je veux jouer!». Formidable saxophoniste au souffle géant, Alain Debiossat a déja joué avec le groupe ONB et prépare acuellement un album avec notre batteur émerite, Karim Ziad.
Voilà une bonne nouvelle!


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